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Associations # Saint-Nazaire

Ouvrir sa porte

Le réseau des Hébergeurs solidaires appelle les citoyens à offrir temporairement un toit à des jeunes migrants non accompagnés. Mais pas que...

Selon la législation française, tout jeune migrant non accompagné d’un adulte et qui se déclare mineur* doit être protégé jusqu’à la fin de la procédure administrative qui aura évalué son âge à partir d’une expertise médico-légal et son isolement. Ça, c’est la loi de la protection de l’enfance.

Dans les faits, il en est tout autrement : après quelques nuitées d’hôtel, faute de moyens et volonté des institutions, les jeunes se retrouvent la plupart du temps dans une sorte de vide juridique, ni adultes ni mineurs, et sans aucune aide en attendant la reconnaissance de leur minorité et leur prise en charge par l’Aide sociale à l’Enfance. Ils survivent alors comme ils peuvent, proies de tous les dangers. Seules les associations et la société civile se mobilisant pour leur apporter leur soutien, à l’image de France Terre d’asile, de Médecins du monde ou des hébergeurs solidaires.

>> Image tirée du film “Ousmane et le bateau”, du Nazairien Ollivier Moreels, projeté au cinéma Tati en novembre 2018.

Parce qu’il « est insupportable que des enfants et des jeunes soient à la rue », le collectif d’hébergeurs solidaires 44 s’est créé de façon informelle à Saint-Nazaire en 2016. « Dans la région, ils arrivent tous à Nantes** où se trouvent la préfecture et l’ASE. Ils ont eu des parcours épouvantables, sont dépourvus de tout, et doivent prouver leur âge et leur situation. Les procédures sont très longues, où aller entretemps dans un pays dont on ne connaît rien, parfois même pas la langue ? », s’indigne Philippe Hourriet, membre du collectif. Une trentaine de familles sont aujourd’hui dans la boucle solidaire pour dix jeunes accueillis. « Il faut être plusieurs familles pour un jeune car c’est lourd, et il est indispensable de pouvoir reprendre des forces régulièrement. Les jeunes sont traumatisés, perdus, et cela peut  prendre jusqu’à un an avant qu’ils ne soient déclarés mineurs et pris en charge par l’ASE… s’il reste des places. Sur nos dix jeunes, cinq sont mineurs, mais on n’existe pas pour l’ASE. S’ils sont déclarés majeurs, il faut attendre qu’ils obtiennent leurs permis de séjour ou qu’ils quittent le territoire. De là la nécessité de plusieurs familles pour un jeune pour réfléchir ensemble, échanger, se partager les tâches et se donner de l’énergie afin d’être capables de les accompagner dans leurs démarches et leurs projets », continue Rob De Bont, autre membre du collectif.

L’association Solid’ados

Logo en construction imaginé par les élèves des Beaux-arts de Saint-Nazaire à la suite d’une belle rencontre avec les jeunes migrants.

Un toit et de l’attention étant essentiels mais non suffisants, le collectif s’est constitué en mai dernier en association, Solid’ados, association dont les jeunes sont au conseil d’administration dans des commissions d’apprentissage de l’organisation. « Ils sont maintenant tous scolarisés, à Blancho et à Bouloche à Saint-Nazaire, et à Saint-Félix à Nantes. L’association a pour mission de faciliter leur accueil dans notre région et de leur offrir la possibilité d’une insertion sociale, scolaire, culturelle et professionnelle par l’apprentissage de la langue, la recherche de formations, des activités sportives, des actions concrètes d’intégration », reprend Philippe Hourriet.

Et les actions concrètes ont largement commencé : création d’une équipe de foot et match avec les hébergés du centre d’accueil de Saint-Brévin, mise en place d’un tournoi de football pour le printemps prochain, participation réussie au salon d’Amnesty international en décembre, inscription aux Foulées du pont (annulées en raison de la météo)…

« Ce que l’on apprend très vite, c’est l’impuissance face au mur de l’administration, explique Rob De Bont. Seul le maillage solidaire permet de ne pas se décourager et de donner une chance à ces jeunes de trouver un environnement stable, de connaître un temps de répit dans leur parcours. Alors, si des personnes ont de l’expérience ou des compétences en rapport avec leurs besoins et l’envie de les partager, qu’elles n’hésitent pas à nous contacter. On lance  aussi un appel à de nouveaux hébergeurs pour prendre le relais, pour quelques semaines ou quelques mois, ou en alternance avec d’autres familles, tout est aménageable selon les nécessités de chacun. Ces jeunes sont ouverts, courageux, ils ont la volonté d’apprendre, de s’en sortir, ils ont besoin d’aide. Et ils nous apprennent beaucoup. » 

* Selon la Protection judiciaire de la Jeunesse (PJJ), ils étaient 17 922 en France en 2018.
** Ils sont environ 300 à Nantes.