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Associations # Saint-Malo-de-Guersac

Le Berligou briéron : l’histoire d’une renaissance

Les Amis d’Errand, la toute nouvelle association de Saint-Malo-de-Guersac, en collaboration avec la commission Développement durable de la commune, va replanter 200 pieds de vigne de ce cépage qui a marqué l’histoire viticole
de notre région.

Défrichage d’une parcelle de 1 400 m2 pour la plantation de 200 pieds de vigne.

C’est l’histoire d’un vin qui a accompagné la vie de notre terroir et qui a cependant failli disparaître de notre patrimoine : le noir Berligou,  le vin des ducs de Bretagne et des rois de France. Depuis plus dix ans, ce cépage oublié est peu à peu réintroduit dans le département. A Saint-Malo-de-Guersac, 200 pieds de vigne seront plantés fin avril et début mai dans une parcelle communale restée en friche pendant plusieurs années à la Gagnerie des sens, sur l’île d’Errand, site autrefois dédié à la culture viticole. « Ici, à Errand, jusque dans les années 1950, les habitants cultivaient de la vigne, souvent pour leur consommation personnelle. Un vin de table plutôt médiocre. Je suis né et j’ai grandi ici, et je n’en avais pourtant jamais entendu parler. J’ai donc demandé aux plus anciens. Peu se souvenaient de ces vignes », raconte Anne-Marie Boscherel, présidente de l’association Les Amis d’Errand, à l’origine de cette initiative. Le défrichage de la parcelle qui va accueillir les ceps a ainsi permis de découvrir ces vestiges végétaux.

Le pinot noir Berligou était en effet historiquement présent sur la presqu’île guérandaise et ses environs, tout comme le Plantet N 5455, cépage répertorié dans les archives sur la commune jusque dans les années 1950/60. Sans cette initiative, c’est donc tout un pan de l’histoire agricole de la Brière qui aurait disparu des mémoires. 

Tout commence en 2014 à la suite d’une conférence sur l’histoire des vins de la Presqu’île guérandaise d’Alain Poulard, œnologue, et surtout militant de la réimplantation de ce cépage mythique. L’idée a fait son chemin, et c’est en 2020, « lorsque l’on a créé l’association, que nous nous sommes rapprochés de l’association Le Berligou », explique celle qui est également membre de l’association d’histoire Le Pas de Saint-Malo.

« La récolte n’est prévue que d’ici trois ans. Pour le moment c’est une expérimentation. La mairie a mis à disposition la parcelle de 1400 m2 et payé les pieds, précise Philippe Fréour, adjoint au maire au Développement durable. Nous allons aménager le restant de la parcelle en arbustes, fleurs, en majorité des espèces locales et sauvages, pour favoriser la biodiversité. Le fond de la parcelle sera une aire de détente. »

En 1943, des villageoises d’Errand goûtent le raisin des vignes plantées à la Gagnerie.

« Nous avons opté pour du rosé car cela ne demande qu’une seule vinification, a contrario du rouge qui en demande deux. C’est un premier essai », précise Anne-Marie Boscherel, prudente. Le projet de cette réimplantation prévoit également de faire participer l’ensemble de la population.

« Nous allons mobiliser les scolaires, la toute nouvelle association de jeunes qui va succéder à Start’Air, et nous souhaitons aussi rassembler toute la population de Saint-Malo autour de ce projet », continue-t-elle.

Saint-Malo-de-Guersac est la troisième commune de la région de Saint-Nazaire à expérimenter cette réimplantation. Aujourd’hui, une centaine de pieds sont entretenus par Les Jardiniers de la Presqu’île à Pornichet et quelques pieds ont été plantés dans le jardin médiéval de Montoir-de-Bretagne par le Groupe Animation Tourisme de Montoir.

 

 

///// Le Berligou /////

Son histoire épouse le destin de la Bretagne. Offert par Charles le Téméraire, duc de Bourgogne, à son cousin François II, duc de Bretagne en guerre contre le roi de France en 1460, il est devenu le vin préféré des tables nobles bretonnes avant d’investir les tables royales françaises. Planté sur de toutes petites surfaces, au château de la Chabossière, à Couëron (château depuis disparu), le cépage Berligou est un vin dit rare. Lors de ses deux mariages royaux, Anne de Bretagne exige qu’il soit servi aux banquets. Henri IV, de passage à Nantes pour signer l’Edit de Nantes, le goûte et tombe également sous son charme. Louis XIV en raffola.

Malheureusement, avec les guerres de Vendée puis la crise du phylloxera en 1865, le cépage disparaît. En 1930, le comte de Camiran et son pépiniériste retrouvent quelques pieds. Ils sont plantés sur les terres du comte, à Saint-Fiacre. Parti à la guerre, celui-ci confie son domaine viticole à un Autrichien très vite effaré par la manière dont les Français entretiennent les vignes, et qui décide de tout arracher, pour tout replanter. Il pense alors qu’il n’y a là que du muscadet…

Heureusement, le pépiniériste Joseph Picaud a gardé pour lui cinq plants qu’il va faire fructifier en les multipliant. Le cépage est donc sauvegardé. En 1993, une association composée d’une douzaine de passionnés, parmi lesquels le petit-fils de Joseph Picaud, se penche sur les origines de ce cépage. Une analyse ampélographique révèle tout du vin. Si, à l’origine, le Berligou était bien un pinot noir, après cinq cents ans de vie bretonne, il possède suffisamment de particularités et de différences pour être reconnu comme un cépage à part entière. Il entre alors à la conserverie des cépages du musée du Vignoble nantais.

Le cépage breton est inscrit au catalogue officiel des cépages français depuis 2019. Ce sont entre 6 à 7 hectares de Berligou qui sont aujourd’hui exploités dans le pays du muscadet.