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Témoignage #2

Le plus dur devient de ne pas pouvoir dire que j’ai peur.

Nous sommes soignant.e.s, nous avons donc, très statistiquement, un risque indéchiffrable d’être contaminé.e.s. De contaminer nos proches. De les rendre malade.

Nous ne pouvons pas en parler, même entre nous, même aux gens qu’on aime si fort. Parce que justement nous allons leur faire prendre plus de risques que les autres.

Même si ils restent enfermé.e.s à la maison, même si tout est fait pour que ça se passe bien, même si je respecte toutes les règles d’hygiène possible.

Le risque est là, je le sais et je ne peux rien faire contre, je ne peux pas leur dire.

Lui il le sait, mais il reste quand même. Il me sert un peu plus fort chaque jour, il ne dit rien mais j’ai bien vu au fond des yeux ce qui passait.

Nos proches, nos familles. Des appels plus fréquents, des attentions constantes, des masques et des blouses cousus maison, des petits plats passés par la fenêtres et des promesses que je ferai attention. « Tu promets, tu ne prendras pas de risques inutiles ».

Bien sur que non, nous ne prenons pas de risques, nous ne sommes pas des héros ou des héroïnes, nous faisons notre travail sans moyen, avec une reconnaissance inutile à ce jour.

Cette colère nous la hurlons depuis des mois, des années.

Pour la première fois je vais au travail en ayant la trouille pour mes proches, sensation insupportable que nous pourrions amoindrir à défaut d’avoir pu l’éviter.

Restez dans votre putain de maison, aimez vous et faites des crêpes.

C.H.