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Maman, et pourtant…

Un livre-témoignage qui met des mots sur une douleur que l’on préférerait silencieuse et donne une existence à ceux qui sont partis si tôt.

« Ce 26 février sera le plus mauvais jour de ma vie. » Il aurait dû être un des plus beaux. Nous sommes en 2016, Danielle Schroder entre à la maternité de la Cité sanitaire de Saint-Nazaire pour accoucher de son deuxième garçon, Loris. Mais le dernier examen de contrôle rend compte d’une inimaginable évidence : l’enfant n’est plus en vie depuis plusieurs jours. « Mon ventre devait donner la vie, il est devenu un tombeau. » Est-il possible de survivre à une telle tragédie, est-il possible d’accepter l’inacceptable ?

C’est ce terrible chemin qu’a tenu à décrire Danielle Schroder : « A la maternité déjà, je voulais déposer mes mots pour tenter de comprendre. » Quatre mois plus tard, avec l’aide du journaliste et biographe Christophe Tézier, elle entreprenait d’affronter par l’écriture cet indicible 26 février.

Danielle Schroder nous livre là, sans filtre mais toujours avec délicatesse, ses mots de femme terrassée, dévorée par la colère, habitée par les insidieux chuchotements de la culpabilité.

Pourtant – et c’est la beauté de ce témoignage –, de trous d’air en abîmes, jamais elle ne se pose en mère victime, jamais elle n’oublie son mari ni son fils Lucas, la solidarité de sa famille et de ses amis, le soutien du personnel médical de la maternité. Et jamais elle n’oublie Loris, dont elle refuse de lâcher la main.

« J’ai besoin de mes rendez-vous rituels avec mon fils au Jardin du souvenir, mais je veux aussi travailler à ce que la parole se libère. Depuis, j’ai rencontré des personnes qui avaient vécu la même chose, même dans ma propre famille. Des spécialistes se sont penchés sur ces drames, mais les femmes elles-mêmes se taisent. » Danielle Schroder a rejoint l’association nantaise Sa Vie*, créée en 2010 par des parents ayant perdu un bébé du syndrome de la Mort Subite et Inexpliquée du Nourrisson (MSIN) et elle souhaite maintenant en monter une antenne à Saint-Nazaire : « S’il y a des recherches menées sur la mort prématurée, il n’y a encore rien concernant la mort in utero, il faut faire avancer les choses. Je voudrais aussi mettre en place des groupes de parole, et travailler avec le service maternité de l’hôpital. Nous sommes en train d’élaborer ensemble un dépliant informatif pour les parents qui sortent sans leur bébé, pour les aider dans les démarches administratives et les choix urgents qui leur sont demandés, comme autopsie ou pas, faire des funérailles ou laisser l’enfant à l’hôpital… c’est déjà tellement difficile. » Danielle Schroder souhaiterait aussi mettre en place une chambre dédiée aux familles endeuillées, « dans le service maternité, mais un peu décalée dans l’espace pour ne pas entendre les cris des autres bébés ou la joie des familles en visite, sans formulaire d’acte de naissance sur la table de nuit… Une chambre qui ne soit pas au-dessus de la sortie de la morgue, comme la mienne. »

Maman, et pourtant… n’est pas un livre-thérapie, c’est avant tout une histoire d’amour qui finit mal, mais où l’amour ne meurt jamais. « Ce livre, c’est Loris. »

* 10 % des ventes du livre sont reversées à l’association.