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[zoom] Grâce à Dieu

(France 2019) drame de François Ozon avec Melvil Poupaud, Denis Ménochet, Swann Arlaud.
Durée : 2h17.

Note de la rédaction :

Tout semble aller pour le mieux pour Alexandre : réussite sociale, couple harmonieux, cinq enfants bien élevés scolarisés dans une école catholique reconnue de Lyon. Jusqu’au jour où il apprend que le prêtre Bernard Preygnat officie toujours auprès d’enfants dans la paroisse. Tout bascule, le passé renaît de ses cendres, l’angoisse le prend à la gorge, la rage l’étouffe. Reviennent à lui les cauchemars éveillés que lui faisait vivre celui qui représentait la bonté de Dieu quand il était petit garçon scout tripoté dans un labo photo. Lui qui s’était toujours tu trouve la force d’en référer à l’Eglise, d’abord par la voie d’une bénévole “psychologue”, puis directement à l’archevêque de Lyon Philippe Barbarin. Devant l’absence de réactions cachée sous l’onctuosité d’un possible pardon, il décide de porter l’affaire en justice. Or, les faits sont prescrits… Alexandre cherche alors d’autres témoignages, et malgré la difficulté face aux armures de silence que se sont construites les autres victimes, il découvre avec horreur que nombreux sont les enfants agressés (70 témoigneront).

Un à un, ces hommes vont parler, écrire, accuser, bouleverser le cours de leurs familles croyantes et souvent pratiquantes, qu’elles soient rongées par la culpabilité d’avoir su sans rien faire ou scellées dans le déni. Ensemble, ils vont monter en 2015 l’association La Parole libérée pour porter plainte collectivement.

Grâce à Dieu est proche du documentaire dans le sens où il est rigoureusement documenté, mais sa fine construction entre les étapes de ce combat contre le mensonge institutionnel et l’histoire intime de chacun de ces hommes à l’enfance détruite donne à ce récit une force d’autant plus implacable. On s’attache à cet Alexandre qui joue au solide (Melvil Poupaud), à ce François chaleureux qui n’a “même pas mal” (Denis Ménochet) et au plus évidemment fracassé Emmanuel (magnifique Swann Arlaud). Avec une grande mesure, les trois acteurs portent la souffrance profonde et le courage de ces anciens enfants qui puisent toute leur énergie pour tenter de briser l’omerta. Et qui, dans le même temps, apprennent la solidarité, eux qui étaient si seuls dans la prison de leur honte.

François Ozon n’a pas choisi les larmes. Ici, les récits sont difficiles, la parole une violente renaissance, la chape de plomb criminelle des échelons de l’institution religieuse irrespirable. Grâce à Dieu est indiscutablement un film de révolte contre cette criminalité internationale protégée. Evidemment, on attend maintenant le jugement de Philippe Barbarin qui aura lieu le 7 mars prochain et les actes concrets qui résulteront des rencontres sur la pédophilie dans l’Eglise lancées par le pape. “Grâce à Dieu”.

Avis à chaud d’un spectateur
« Accablant. Comme le silence dans la salle quand la lumière est revenue. » (Joëlle, 64 ans)