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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Plogoff, des pierres contre des fusils

(France 1980) documentaire de Nicole et Félix Le Garrec.
Durée : 1h52.

« Il ne saurait être question d’imposer aux Français un programme nucléaire auquel ils seraient profondément opposés après avoir été complètement informés. » (Valéry Giscard d’Estaing, président de la République, au journal Le Monde le 26 janvier 1978)

31 janvier 1980. Echaudés par le non-respect des avis de la population lors de la construction des centrales nucléaires de Flamanville, dans la Manche, et du Blayais, en Gironde, les habitants de la petite commune de Plogoff et leurs élus décident de boycotter l’enquête d’utilité publique lancée par l’Etat pour l’implantation d’une centrale EDF à la pointe du Raz, le long de la baie des Trépassés. Unis dans la mobilisation, ils ferment la mairie, et la camionnette cernée de forces de police censée en faire office ne recevra personne.

C’est ce combat que les vidéastes bretons Nicole et Félix Le Garrec, sans argent ni beaucoup de matériel, ont filmé au jour le jour jusqu’au 14 mars, fin de l’enquête. Leur caméra 16 mm suit ces marins, ces paysans, ces artisans boulangers et cafetiers, toutes générations confondues, passer de la méfiance à la colère, de la réaction spontanée contre ce qu’ils vivent comme une violation de domicile au soulèvement organisé. A la violence des forces de l’ordre, ils vont opposer leur détermination et leur imagination : lance-pierres, tracteurs, barrages d’ordures ou de carcasses de voitures, brebis venues du Larzac… et harcèlement des femmes qui vont sans cesse parler aux gendarmes et parachutistes, les provoquer par leurs questions et leur ironie, droit dans les yeux en se moquant de leurs yeux fuyants.

Un combat qui s’étendra rapidement à toute la Bretagne, puis à la France militante, jusqu’à la victoire en mai 1981. Outre son intérêt historique quant à la genèse des luttes citoyennes écologistes, Plogoff, des pierres contre des fusils est le témoignage direct d’une épopée remplie d’humanité. Le couple de réalisateurs ne s’intéresse pas aux conflits des partis politiques de l’époque, mais pose son regard sur le vécu de toute une population, son réveil, sa sincérité, son apprentissage inédit de la désobéissance civile, sa solidarité, son ouverture au monde et aux autres luttes. Comme y dit une vieille dame de 83 ans, la peau tannée d’embruns et dont le français n’est pas la langue maternelle, « il faut y croire pour le voir ».

Evènement
Après un succès militant à sa sortie en août 1980, les pellicules de Plogoff, des pierres contre des fusils se sont abimées. Cette version, qui sortira en janvier 2020 pour les 40 ans de la lutte de Plogoff, est le fruit de la restauration effectuée à partir des négatifs originaux par Pascale Le Garrec, la fille des réalisateurs. Pour cette projection en avant-première, le cinéma Jacques-Tati recevra Nicole et Félix Le Garrec, 77 et 89 ans, qui ont vécu en mai dernier une situation encore inimaginable il y a peu en étant accueillis au festival de Cannes où leur documentaire était sélectionné dans la catégorie “Cannes Classics”. Sera également présente Pascale Le Garrec.

Ouvriers et ruraux
Nicole et Félix Le Garrec sont les créateurs de l’UPCB (Unité production cinéma Bretagne), qui permettra la naissance de nombreux courts et longs métrages, dont Avoir 20 ans dans les Aurès, de René Vautier. C’est d’ailleurs à l’occasion de sa projection à Saint-Nazaire que le réalisateur rencontrera les ouvriers grévistes de la Semm (Caravelair) de Trignac et décidera de filmer leur lutte : cela donnera le fameux Quand tu disais Valéry (1975).