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Cinéma # Cinéville

[zoom] Les Misérables

(France 2019) drame de Ladj Ly avec Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga.
Durée : 1h42.
Avertissement.

Note de la rédaction :

Au lendemain de la victoire de la France à la coupe du monde de football de 2018, Stéphane, tout juste sorti du Centre de formation de la Brigade Anti-Criminalité (la BAC) de Cherbourg, est affecté à Clichy-Montfermeil, en Seine-Saint-Denis. Au côté de Chris et Gwada, ses deux coéquipiers, il découvre l’intérieur d’un ghetto à 24 km de Paris, l’enfermement dans la pauvreté, le délabrement, l’abandon de la part de cette France que tous célébraient la veille sur les Champs-Elysées. Il découvre aussi les petites mafias qui se sont octroyé le pouvoir dans l’espace béant laissé vacant par l’Etat et les abus d’autorité de ses collègues “bacqueux”, plus assimilables à une milice parallèle qu’à des représentants de ce même Etat. Dans leur voiture banalisée, en civil, dépassés, eux aussi abandonnés, Chris et Gwada ne connaissent plus les limites de leurs fonctions, perpétuant une violence quotidienne faite d’humiliations gratuites et vengeresses. Haine que les habitants leur rendent bien, seuls les religieux apportant un peu de paix et d’attention dans ce bouillonnement d’insultes et de magouilles où gamins, caïds et flics utilisent le même langage. Jusqu’au débordement, jusqu’à la “bavure” et la blessure d’un enfant. Mais, cette fois-ci, la scène est filmée par le drone d’un autre gamin…

Les Misérables sont plus terrifiants qu’un brûlot parce que constat d’un échec social et d’un gâchis humain. Et sa désespérance vous explose au cœur. Que sont devenus ces quartiers, qu’est devenu Montfermeil depuis que Victor Hugo y écrivit Les Misérables, depuis les émeutes de 2005 ? Le réalisateur Ladj Ly, qui n’a jamais cessé de lancer des cris d’alertes, que ce soit par ses documentaires sur cette banlieue qu’il connaît bien puisqu’il y a grandi (comme 365 jours à Clichy-Montfermeil, de 2007)ou par ses “copwatchs”*, dont celui qui a inspiré ces Misérables, nous rappelle que toute personne ou tout groupe pris dans un piège se transforme en stock d’explosifs.

Un film dynamite extrêmement bien construit et interprété qui n’épargne ni accable aucun protagoniste. Et qui nous abandonne aussi, à notre responsabilité. Et puis ? Mireille Peña

* Consistant à surveiller les interventions policières en les filmant, et à identifier en cas d’abus de pouvoir et de violence les policiers concernés pour les dénoncer publiquement.

Avis à chaud d’un spectateur
« J’ai été sur le fil des nerfs tout le long de la séance. Je suis en colère, épuisée, j’ai un peu honte de ma passivité. C’est un film urgent à voir d’urgence. » (Mégane, 31 ans)