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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Un jour si blanc

(Islande, Danemark, Suède) drame d’Hlynur Palmason avec Ingvar Eggert Sigurðsson, Ída Mekkín Hlynsdóttir, Hilmir Snær Guðnason.
Durée : 1h49.
Avertissement.

Note de la rédaction :

La caméra suit en surplomb une voiture qui enfile les lacets d’une route étroite à l’intérieur d’un épais brouillard. Un virage de plus, la voiture continue tout droit et disparaît dans un précipice…

Un bâtiment, hangar ou garage, au milieu de nulle part. Les plans séquences se succèdent, les couleurs du ciel changent, les saisons se suivent, pluie, neige, grisaille, pluie, un pick-up s’y gare, des travaux semblent commencer, le temps passe, jours, mois, années ? Un rire d’enfant…

Retraité de la police, dorénavant veuf, Ingimundur transforme la bâtisse isolée en maison pour sa fille et sa petite-fille. La nature est rude, le vent s’engouffre entre les bâches plastique qui tentent de protéger les ouvertures. Seule la pétillante petite-fille y apporte sa lumière et arrive à faire naître un sourire de tendresse sur le visage fermé du grand-père. Obsédé par la possible tromperie de sa femme, Ingimundur n’a en effet de cesse de découvrir ce qu’il croit être la vérité de sa vie de couple, possédé jusqu’à la folie par le désir de vengeance.

Le film d’Hlynur Palmason semble un temps s’orienter vers le polar islandais, entre brume et personnage taiseux, mais ce n’est qu’une fausse piste, une digression parmi d’autres. Il se joue là un deuil impossible, une colère immaîtrisable devant la violence de la perte définitive, une rancune rageuse envers celle qui l’a abandonné par sa mort. Et l’impossible parole, le silence qui étouffe jusqu’à la névrose et l’injustice envers les vivants.

Le cinéaste aime à explorer l’univers intérieur invisible enfoui sous le blanc des éléments. Après Winter Brothers (2018), qui fouillait la relation entre deux frères recouverts du blanc de la mine de calcaire où ils travaillaient, il enferme ici le chagrin infini d’Ingimundur dans un blanc de mémoire. Parce qu’il ne peut faire mieux que détruire les souvenirs de bonheur qui feraient trop mal. Un jour si blanc, celui où tout a basculé, celui dont on voudrait qu’il n’ait jamais existé, est d’une puissance rude, compact émotivement, comme l’est l’interprétation d’Ingvar Eggert Sigurðsson (Prix du meilleur acteur au festival
d’Angers et Prix d’interprétation masculine de la Semaine de la Critique à Cannes), dont la force implosive terrifie autant qu’elle bouleverse quand on perçoit Ingimundur à peine retenu sur terre par la main chaude de sa petite-fille. Un film tendu, à l’image et à la bande-son ciselées, dont on sort habité.

Avis à chaud d’un spectateur
« Je suis perplexe. » (Claire, 55 ans).