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Associations # Saint-Nazaire

Sans les yeux

Connue pour son concert solidaire annuel “Mille chœurs pour un regard”, l’antenne locale de Retina France invite aujourd’hui, en partenariat avec le Parvis, à une expérience inédite à Saint-Nazaire : un dîner à l’aveugle.

Le concept est simple : les convives sont guidés dans une salle de restaurant faiblement éclairée d’une lumière qui baisse progressivement, ceux voulant vivre l’expérience sans concession pouvant porter des bandeaux totalement occultants. Une fois placés à leur table de façon aléatoire (sauf demande expresse), il leur est alors servi un repas dont ils ignorent le menu… Pas d’inquiétude, aucune arête ou os dans les plats.

« C’est une expérience sensorielle unique, explique Françoise Gazel, correspondante bénévole locale de Retina France. Sans la vue, les autres sens sont aiguisés. On écoute, on sent, on goûte, on touche même ! Les saveurs et les textures prennent une autre importance. C’est tout à fait ludique aussi : peut-on reconnaître un vin rouge d’un vin blanc sans voir leur couleur ? »

« Cela permet de mieux comprendre ce que traversent les personnes atteintes de dégénérescence maculaire, les malvoyants, ou les aveugles comme moi, continue Francis Gouban, professeur de lettres retraité au lycée Aristide-Briand et bénévole du Parvis. C’est quasi pédagogique. Il s’agit de mieux comprendre les difficultés matérielles du quotidien des personnes déficientes visuelles en s’y confrontant soi-même, de renverser les rôles, de perdre ses repères, de tâtonner, de trouver ses solutions face à une situation inédite. Se questionne également ici la dimension relationnelle et sociale. Que vit une personne privée de vue ? Ce sens prend en général le pas sur les autres : sans lui, peut-on communiquer, et comment ? En quoi l’échange avec l’autre est-il profondément modifié ? »

 

« C’est ce qui  a intéressé le Parvis, dont le thème de cette année est le lien social, avec la création d’événements vécus ensemble. Nous sommes dans une société de l’image, où il est difficile de rentrer dans le paysage du non ou mal voyant, mais aussi de nos voisins en général. Le physique et la condition physique modifient les rapports des gens entre eux, handicap ou non. Cet événement est l’occasion de s’interroger sur les préjugés de l’apparence et d’analyser notre façon d’appréhender les autres. Ici, on ne sait pas si les personnes avec qui nous partageons un repas sont porteurs de handicap, jeunes ou vieux, bien habillés ou non. Il ne reste que la voix, les vibrations », se réjouit Marion Beaudet, directrice du Parvis.

Sans se préoccuper de la différence pour porter un nouveau “regard”, bienveillant, sur cette même éventuelle différence, et rentrer chez soi en se disant : « J’ai rencontré de nouvelles personnes, je ne les connais pas que de vue, mieux, je les connais d’oreille. »