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Associations # Saint-Nazaire

« Des petites lucarnes sur les arts »

Si les salles de spectacle ont dû fermer leurs portes au public durant ce deuxième confinement, ce n'est pas pour autant que les artistes n'ont pas tant bien que mal continué à travailler, entre répétitions, résidences et actions culturelles. Retour sur les interventions du VIP et de l'orchestre plastique Lechapus dans une classe de 6e du collège Jean-Moulin de Saint-Nazaire.

Collège Jean-Moulin, 9h. Ils sont 16 élèves de la classe de 6e de la Section d’enseignement général et professionnel adapté (Segpa)* qui accueille des enfants présentant d’importantes difficultés scolaires. Ils ont entre 10 et 12 ans et viennent de 7 écoles différentes. Avec eux, Anthony Heuze, leur professeur référent, Gwendolina Bonnet, enseignante musique au collège, Coraline Mathieu, chargée de l’action culturelle du VIP, et le musicien Ben Lechapus, explorateur des possibilités sonores infinies qu’offrent les divers objets du quotidien. Tous sont réunis autour d’un même projet : la création d’un ovni sonore à partir d’un poème tiré de l’album jeunesse Voyage à poubelle plage, d’Elisabeth Brami et Bernard Jeunet, et d’une chanson plastique écrite collectivement sur le thème des déchets. Ils ont déjà fabriqué des “clarinettes” avec des tubes et des coudes en plastique récupérés, instruments qu’ils ont fait vibrer, résonner, chanter… avant d’enregistrer cette surprenante musique qu’ils ont réussi à produire.

Aujourd’hui, ils travaillent à la lecture à haute voix en binômes de petits morceaux de poèmes, hésitants, intimidés, maladroits. Peu à peu, les langues se délient, le travail de cette matière qu’est la voix laisse s’exprimer le plaisir du jeu de l’articulation, du phrasé, du rythme et des modulations. Les élèves commencent à projeter, à oser. La lecture à 16 voix peut maintenant se tester sur leur création musicale, et là, devant le micro piezzo, c’est comme une libération, une explosion de leurs voix qu’ils peuvent réécouter pour faire encore mieux. « Et après cinq séances de deux heures, ils iront, si les conditions sanitaires le permettent, enregistrer dans un vrai studio, celui du VIP, en janvier prochain », explique Coraline Mathieu.

« J’écoute du rap et des musiques tristes. Ça change les voix le micro, mais j’aime bien la mienne. Je ne connais pas le VIP, ah si j’y suis déjà allée voir un spectacle en sortie scolaire, ah c’est ça le VIP ? » (Juliana) 

Enregistrement de la bande sonore.

L’art est urgence…

« Cet enregistrement constituera un objet fini qu’ils pourront rapporter chez eux, c’est important de mener un projet de A à Z, développe Ben Lechapus. Ce type d’intervention est à multiples objectifs. La connexion entre les jeunes, d’abord. Mais aussi l’ouverture de petites lucarnes sur les arts : je leur joue en effet un morceau à chaque séance, je leur ai également projeté un film sur la sculptrice plastique Veronika Richterová et fait découvrir le Béninois Romuald Hazoumé qui fabrique des masques avec des bidons. Si cette pratique du détournement des déchets est une approche de la musique électronique, c’est avant tout une réflexion par l’expérimentation sur le sens de l’art et sur son urgence. Nous nous emparons ici d’un sujet de société qui concerne directement la jeunesse. Et dire que c’est grâce au confinement que je suis là aujourd’hui… Je suis invité en résidence au VIP en avril prochain et quand le gouvernement a annoncé que les interventions culturelles dans les établissements scolaires étaient autorisées, le VIP m’a proposé ces ateliers, chose que je n’avais jamais faite. Merci à lui. »

Il n’y a plus qu’à espérer que l’accès au studio du VIP soit autorisé en janvier…

… et rencontre

Concert de clarinette plastique.

Un autre projet est d’ores et déjà prévu pour la suite de l’année : l’écriture de slam sur la liberté d’expression. « Le rôle de la culture et de l’éducation artistique n’est plus à démontrer. La rencontre avec des artistes est une nécessité dans la construction des enfants et des adolescents. Ces ateliers changent le regard que les élèves portent sur eux-mêmes, mais aussi celui des autres classes du collège sur ces classes différentes », insiste leur professeur Anthony Heuze.

Serait-ce une des définitions de l’art ? Modifier les regards ?

* Les mêmes séances se tiennent l’après-midi avec une classe ULIS (classe adaptée pour la scolarisation d’élèves en situation de handicap). Ces ateliers se font dans le cadre du dispositif Grandir avec la culture.

« J’aime la musique, j’écoute du rap. Mais là, c’est bizarre d’entendre sa voix, j’aime pas ma voix. C’est où le VIP ? J’ai bien envie de le découvrir  » (Anastasia)