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Livres # Saint-Nazaire

Histoire ouvrière une mémoire partagée

AREMORS, dans son dernier tome de la série Études et Documents : “Histoire ouvrière et mémoire populaire”, s'interroge sur les représentations de ce passé industriel.

Longtemps les universitaires ont délaissé l’histoire industrielle et les mouvements sociaux de la région nazairienne, faute de faculté implantée sur son territoire. C’est l’association de recherche et d’études sur le mouvement ouvrier dans la région de Saint-Nazaire (AREMORS) qui a endossé pleinement ce rôle depuis 40 ans sous l’impulsion de ses membres fondateurs, Pierre Mahé (1914-1995), Jean Aubin (1924-2007) et Robert Gautier (1949-2020). Depuis 1980, l’association publie la série Etudes et Documents. Le tome V, histoire ouvrière et mémoire populaire qui a été publié lors du dernier trimestre 2021 aborde les années 60. Ce dernier opus est le prolongement du livre précédent Saint-Nazaire : d’une République à l’autre 1945-1962 paru en 2003. « L’approche locale permet de décentrer le regard du mouvement de mai-juin 1968 pour rendre compte d’une protestation multiforme », écrit dans la préface Julian Mischi. Sont étudiés les mouvements pour la paix et la décolonisation.

Par ailleurs, les auteurs ont décidé de « sortir des sentiers battus » et s’affranchissent de l’analyse chronologique pour porter un regard plus analytique des représentations du passé. « Le site des forges de Trignac est un bel observatoire des enjeux de préservation et d’entretien de la mémoire sociale », introduit Julian Mischi. Cette question latente surgit brutalement dans les polémiques et débats sur la sauvegarde patrimoniale industrielle à l’heure d’une gentrification, regrettée ou non, qui s’accélère depuis ces dernières années. La philosophie d’AREMORS pourrait se résumer ainsi : sans histoire commune, produite avec rigueur et méthode, il n’y aura pas de mémoire partagée. « L’entretien de la mémoire poussé jusqu’au devoir de mémoire sert de justification à la multiplication des commémorations. Mais leur inflation exponentielle a malheureusement comme résultat d’ensevelir l’histoire sous un monceau de dates au risque de tous les anachronismes », prévient Jean-Yves Martin dans la conclusion du livre. Ce dernier tome donne les clés historiques pour que la mémoire du mouvement ouvrier ne se résume pas à de simples commémorations. Qu’adviendra t-il de ces représentations laissées à l’érosion et au temps pour les générations actuelles et futures ?