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[zoom] Cold War

(Pologne 2018) drame de Pawel Pawlikowski avec Joanna Kulig, Tomasz Kot, Agata Kulesza.
Durée : 1h27.

Note de la rédaction :

1949. Des accordéonistes les pieds dans la boue, des chanteurs aux regards transparents, la stridence d’une cornemuse dans un paysage de ruines. Les musiciens Wiktor et Irina parcourent la campagne polonaise magnétophone à la main. Dans un pays encore balafré par les cicatrices de la guerre, ils cherchent à capturer les pépites de la culture rurale, la précieuse matière brute de l’identité de leur pays, pour la création d’une troupe nationale de chanteurs et danseurs. Paysannes et paysans sélectionnés viennent ensuite passer une audition dans un château mis à disposition par les autorités communistes. Parmi eux se trouve Zula, une jeune fille solaire tout juste sortie de prison pour avoir blessé son père « qui l’avait confondue avec sa mère ». Malgré ou grâce à leur différence d’âges et de milieux, Zula et Wiktor sont irrésistiblement attirés l’un vers l’autre. L’une est blessée par la brutalité  des hommes et de la pauvreté, l’autre est humilié de voir l’art mis au service de la propagande du camarade Staline, l’une ne connaît pas sa force, l’autre en a une idée un peu trop supérieure. Tous deux rêvent d’un ailleurs où vivre leur amour sans entrave.

Entre allers et retours entre Est et Ouest, entre décomposition artistique soviétique et compromissions d’une bohème parisienne, ils vont se retrouver, s’aimer, se blesser, se réconforter, se blesser encore. Mais jamais se perdre.

Dans la veine esthétique de son Ida de 2013, Paweł Pawlikowski nous offre aujourd’hui une histoire d’amour empêchée dans un temps où il est interdit de chevaucher les frontières. Il emprisonne une nouvelle fois ses personnages dans une image au format carré, narrant quinze ans d’amour avec un art rare de l’ellipse. Portés par les magnifiques Joanna Kulig et Tomasz Kot, Zula et Wiktor se découpent sur des fonds aux lignes rigides. Les scènes et les temps s’interrompent avec brusquerie, sur un regard, un geste, comme des gifles.

Cold War laisse un magnifique goût d’inaccompli, d’inexpliqué, de nostalgie absolue. La beauté graphique des images en noir et blanc ne faisant qu’accentuer un chagrin si glacé et glaçant que seule la musique, toujours présente, est capable d’exprimer.

Avis à chaud d’un spectateur :
« Que c’est beau, que c’est triste, les histoires d’amour finissent mal, en général… » (Chris, 58 ans)