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[zoom] Santiago, Italia

(Italie 2019) documentaire de Nanni Moretti.
Durée : 1h20.

Note de la rédaction :

Film d’archives de l’intérieur de l’ambassade d’Italie à Santiago du Chili durant le putsch militaire du 11 septembre 1973. L’ambassadeur et sa femme fournissent café, couvertures et ce qu’ils peuvent aux quelques Chiliens qui ont pu y trouver refuge in extremis. Des cinéastes, des musiciens, des intellectuels, aucun ouvrier parce « qu’il est rare que l’on construise des usines à côté d’une ambassade ». De la fenêtre, on voit un homme courir et tomber sous les balles avant d’atteindre la porte.

Noir

Aujourd’hui. Nanni Moretti contemple l’immensité de Santiago des hauteurs d’une terrasse. Quelles traces reste-t-il de ce temps tragique où « l’espoir au présent » a été assassiné ? Les images d’archives connues retracent les bombardements du palais de la Moneda, le renversement de Salvador Allende, les arrestations, les enlèvements, les tortures, la terreur. Les témoignages nous plongent dans les souvenirs de rescapés sauvés par l’ambassade qui recueillait tous ceux qui arrivaient à sauter le mur qui la séparait d’un Chili dépossédé de lui-même par le sang. Un mur alors de deux mètres de hauteur, mais qui a été depuis remonté à trois mètres… Souvenirs vivants d’une jeunesse visée en plein vol qui vécut une parenthèse surréaliste entre salons et jardins d’une ambassade encerclée. Plus de six cents personnes s’y entassèrent au début de la dictature avant d’être exfiltrées par avion, laissant sur le sol natal les milliers qui ne purent se jeter par dessus le mur.

C’est certains d’entre eux que le réalisateur a retrouvés. Ils ont maintenant dépassé la soixantaine, sont artisans, entrepreneurs, artistes, enseignants, quelques mots
d’italien leur manquant quand l’émotion du récit est trop forte. Tous ont gardé en eux la plus magnifique et la pire période de leur vie, tous ont été réconfortés par l’hospitalité du seul pays d’Europe de l’Ouest qui prit alors position contre le coup d’Etat de la junte militaire. Et par une population bienveillante qui a ouvert ses bras à ces exilés à une époque où le mot “migrant” n’était pas encore utilisé. Et c’est là que Santiago, Italia, où une seule petite virgule sépare deux continents et deux peuples solidaires, prend toute sa puissance. Nanni Moretti y met en miroir les années 70 et l’Italie contemporaine sans jamais citer les noms de Pinochet ou de Salvini, se concentrant sur la chair, la pensée et l’humain. En assumant sa position totalement non impartiale, comme il le dit à un ancien tortionnaire chilien qui jure encore de son innocence et de la nécessité de remettre de l’ordre dans le cahot. Le regard intelligent et nécessaire d’un cinéaste militant qui met en abyme le naufrage de son pays, l’Italie.

Avis à chaud d’un spectateur
« C’est éprouvant. Mettre en regard le passé et le présent, c’est comme ça que l’on comprend l’Histoire, et ça fait mal. » (Laurence, 58 ans)