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Spectacles # Saint-Nazaire

“Rendez-nous nos salles obscures”

Le Cinéville de Saint-Nazaire, toujours fermé en raison des consignes sanitaires, a choisi de manifester son mécontentement en affichant les messages de soutien de ses spectateurs.

150 posts en 2 jours

Avec le slogan #ouvrezlescinémas Cinéville*, le complexe de cinéma de Saint-Nazaire a sollicité les habitants au travers de sa page Facebook, de celles d’Estuaire et de la Ville de Saint-Nazaire « pour qu’ils manifestent leur soutien », déclare Séverine Avignon, sa directrice. En deux jours, ce sont 150 posts qui ont été recueillis. « Nous avons fait le choix de les retranscrire et de les afficher sur notre baie vitrée », explique-t-elle. On peut y lire des phrases telles que “Oui vous nous manquez ! Il est de temps de rouvrir”, “Pas de vie sans culture. Rendez-nous nos salles obscures”, “Laissez-nous vivre, vibrer, rire, pleurer d’émotion, être choqués”. De quoi donner du baume au cœur alors que l’équipe de Cinéville vit de plus en plus mal cette période. « Nous allons célébrer le 1er anniversaire du confinement. Depuis mars 2020, nous avons fermé 233 jours. L’été dernier, lors de la réouverture, les spectateurs sont revenus petit à petit jusqu’à un rythme de croisière en septembre. Même si nous ne pouvions accueillir que 50 % de notre capacité. Mais c’est la semaine du 15 décembre qui nous a plombé le moral. Nous espérions rouvrir (NDLR, à la suite du confinement de novembre), d’autant que la semaine était très chargée, nous devions accueillir les écoles, les comités des fêtes…»

Absence de date

Pour Séverine Avignon, c’est l’absence de date qui est le plus dur à vivre. « Comment alors avoir de l’espoir quand on ne nous donne aucune échéance. » Pour autant, ouvrir actuellement, avec le couvre-feu, « cela n’aurait pas de sens ».

« Le cinéma reste un loisir, les gens viennent en dehors du travail. Comment pourraient-ils venir avant 18 heures ? », s’interroge-t-elle.

En attendant, Cinéville va multiplier les actions durant ces prochaines semaines. Un premier concours de clips vidéo de deux minutes sur le thème des plus gros succès du cinéma sera lancé cette fin de semaine. « Avec mon équipe, nous allons réaliser une présélection et ce sera au public de voter pour le gagnant. Les clips sélectionnés seront projetés en salle lors de la semaine de réouverture. » Une vente d’affiches en click & collect sera mise en place rapidement, histoire d’habiller sa chambre d’étudiant ou sa salle de travail. Autre projet en cours : une semaine dédiée aux patrimoines de Saint-Nazaire avec, comme déjà annoncé, le documentaire Matrimoine, l’histoire du féminisme à Saint-Nazaire réalisé par le comité local de Femmes solidaires, ou encore Loin des bombes, de Chloé Glotin. D’autres documentaires sélectionnés sont en cours de programmation.

Reste néanmoins une question en suspens : quelle sera à terme la répercussion économique de cette crise sur le cinéma, voire sur Cinéville.

« Même si le secteur bénéficie de nombreuses aides, on s’interroge sur l’avenir. Près de 400 films attendent l’ouverture des salles alors que la place était déjà limitée en temps normal de programmation. De même pour nous, nous devons continuer à payer nos charges. Nous faisons tourner nos machines deux fois par semaine pour la maintenance. » 

La frustration a laissé place à la colère. C’est tout le milieu culturel qui s’active aujourd’hui pour faire pression sur le gouvernement, en espérant que le public le suivra.

* Lire notre article du 15 décembre, “Entrée des artistes”, sur www.estuaire.org

 

///// Grosse colère des directeurs de théâtre du Grand Ouest /////

« Nous demandons la réouverture rapide de nos lieux, de tous les lieux d’art et de culture, dans un esprit de coresponsabilité, dans des conditions de jauges et avec des protocoles. »

Les directrices et directeurs de théâtres, membres du réseau des Partenaires culturels du Grand Ouest dont fait partie Gérard Boucard, directeur artistique de Quai des Arts de Pornichet – il rassemble quarante établissements culturels de Bretagne et des Pays de la Loire –, ont écrit une tribune à destination du gouvernement en critiquant vivement son choix de continuer à fermer les salles de spectacle. « Ces lieux, directement gérés par des collectivités territoriales ou bénéficiant de leur important concours financier, servent avant tout l’intérêt général, et sont donc d’un intérêt supérieur (…) Sur quel fondement peut-il dès lors être procédé à la fermeture des lieux culturels alors que leur dangerosité n’est en rien démontrée ? Dans la note du conseil scientifique du 26 octobre 2020 préparant le conseil de défense du lendemain, il était clairement notifié que “dans les musées, les cinémas et les théâtres, le risque de propagation du virus est très faible”.
La France deviendrait-elle le pays, non plus de l’exception, mais de l’exclusion culturelle ?
»

Ils dénoncent une « gestion à la petite semaine ». Et ajoutent : « Les artistes, les équipes qui les accompagnent, les personnels des théâtres ressentent un profond sentiment d’inutilité, d’abandon, une perte de sens préjudiciables tant sur le plan moral que social. »

Ils condamnent également « l’insuffisance du régime d’indemnisation proposé aux intermittents du spectacle (plus de la moitié d’entre eux connaissent, depuis un an, une chute de plus de 50 % de leurs revenus) et le caractère disparate et non critérisé de l’appui financier de l’Etat aux lieux culturels ».

Selon eux, il ne s’agit plus de « monde d’avant ou d’après, mais de monde d’avec ». Il faudra vivre avec le virus, concluent-ils.