Retour à la rue pour les “habitants” de la Maison Geronimo
Depuis l’annonce de l’expulsion des occupants de l’immeuble en cours de réhabilitation de la Silène, treize associations nazairiennes alertent sur le manque d’hébergement d’urgence dans la ville. Ses “habitants”, eux, retournent à la rue avec l'espoir de créer un lieu d’accueil et d’hébergement autogéré.
La réunion est fixée à 17h au premier étage de l’immeuble squatté rue Littré, renommé la “Maison Geronimo”. Quelques “habitants” du squat et des membres d’associations de solidarité nazairiennes tentent de trouver des solutions d’hébergement d’urgence à quelques jours de l’expulsion ordonnée par le tribunal à la suite d’une plainte déposée par le bailleur social la Silène. « L’huissier est passé. Nous ne ferons pas de résistance. Nous ne voulons pas vivre dans la peur lundi dès 6h du matin », indique Paupiette. Elle a déjà vécu des expulsions plutôt musclées. « La police avait défoncé la porte à coups de bélier. Je ne veux pas revivre cela. » Certains sont déjà prêts à retourner dans la rue, résignés. Comme Mathieu, qui possède une tente et a déjà repéré le coin où il allait la poser. « Si j’obtiens une place dans un foyer d’urgence, ce sera de toute façon pour quelques jours. Ce sera encore plus dur de retourner dans le froid après. » Il préfère donc rester dans la rue que vivre ces ruptures à répétition. Sans compter qu’il « faut appeler au moins 415 fois le 115 (NLDR, le Samu social) pour les avoir et pour nous entendre dire qu’il n’y a pas de places ». Un avis unanimement partagé.
« D’autant que certains foyers refusent les animaux. Au foyer Blanqui, il y a seulement deux cages, explique Skoon. Pour nous, les chiens sont comme nos enfants, on ne veut pas se séparer d’eux. »
Une maison refuge
La Maison Geronimo était donc vécue comme un refuge. Elle a accueilli jusqu’à trente personnes sans domicile fixe, âgées de 18 ans à 72 ans. « Mais il y a toujours des va-et-vient, précise une des habitantes. En ce moment on voit des personnes qui sont dans la rue pour la première fois. » Les associations, qui se retrouvent débordées par la précarité galopante et se montrent inquiètes de l’après-Covid, y envoyaient des femmes et des hommes de la rue en l’absence d’autres solutions. « Nous ne cautionnons pas l’occupation illégale. Mais nous n’avions pas le choix. D’autant que dans cet immeuble il y a tout un étage réservé aux femmes, ce qui répond à un réel besoin », rappelle un membre d’association. En effet, à la différence des femmes victimes de violence pour qui il existe des structures d’accueil spécialisées, celles qui vivent dans la rue se retrouvent doublement démunies puisque rares sont les lieux* qui peuvent les héberger et surtout leur garantir une certaine forme de sécurité.
Un cri d’alarme
La décision du tribunal, en plein hiver, et à quelques jours des fêtes, a donc choqué les associations : treize d’entre elles** ont ainsi lancé un cri d’alarme mercredi dernier dans une lettre ouverte. « Cela met en avant les manquements du système, de l’Etat à la commune, manquements que nous subissons et gérons au quotidien », ont-elles écrit. D’autant plus que « le gouvernement a pourtant dans un décret du 3 décembre demandé de faire preuve d’humanité », s’insurge un membre du Secours Catholique. Un appel qui a interpellé la préfecture de Loire-Atlantique, puisque les représentants de l’Etat ont organisé jeudi dernier une rencontre en urgence avec des associations de solidarité pour évoquer la situation à Nantes et Saint-Nazaire. Le soir même, il a été demandé aux occupants de l’immeuble de contacter l’Anef-Ferrer, association spécialisée dans l’accompagnement social.
Un tiers-lieu autogéré ?
Reste que les solutions apportées jusqu’ici répondent à la seule urgence. Les “habitants” de la Maison Geronimo souhaitent en revanche trouver une alternative pérenne. « Nous voudrions créer un lieu comme ici, autogéré, en collaboration avec les associations et avec la ville », clame Skoon. Comme il en existe à Grenoble ou à Toulouse. Mais leur principal obstacle est l’image du squat qui, malgré sa bonne tenue, n’a ni eau courante ni électricité. « On nous a pointés du doigt comme militants politiques affiliés aux Gilets jaunes de la Maison du peuple. Pourtant, dès l’ouverture, on avait demandé à la Maison du peuple de faire un communiqué comme quoi on ne dépendait pas d’eux. Ce qu’elle a fait. Et on n’a jamais eu de problèmes de voisinage », se défendent les occupants, qui sont prêts à rencontrer les élus pour construire ce projet. Les associations, elles, se disent favorables pour les accompagner. « C’est l’échec de la politique de l’hébergement d’urgence menée par les différentes institutions. Alors qu’il existe en France des solutions d’autogestion d’immeubles organisées par des municipalités », rappellent-elles.
Car le logement social ne correspond pas forcément aux besoins. « De toute façon, vous ne serez pas un public prioritaire. Vous serez en concurrence avec ceux qui ont de tous petits moyens, mais qui passeront avant vous », prévient le Secours Catholique.
De plus, pour un certain nombre de personnes sans domicile fixe, le logement ne peut être la seule réponse. « Il faut qu’elles soient suivies par des travailleurs sociaux, que l’on travaille sur leur insertion », soulignent avec force les associations présentes à cette réunion.
Les habitants de la Maison Geronimo ont donné rendez-vous cet après-midi vendredi 18 décembre pour une manifestation devant l’hôtel de ville de Saint-Nazaire, espérant qu’à cette occasion, une délégation serait reçue à la mairie. Entre-temps, les habitants ont fait leur sac avec cette question en tête : où mettre à l’abri leurs affaires personnelles, et notamment leur matelas ? A l’heure où l’article est publié, aucune solution concrète ne leur a été proposée.
* Il en existe à Nantes.
** Espoir au Cœur, Secours Catholique Saint-Nazaire, La Fraternité Saint-Nazaire, le Carillon Saint Nazaire, Association Amicale de la Protection Animale, Totem, Ucij, A Vos Soins, Emmaüs Saint-Nazaire, LDH Saint-Nazaire, R’Eveillons la solidarité.
La Maison Geronimo
Au moment de l’évacuation de la Maison du peuple, avenue Albert-de-Mun, en septembre dernier les personnes sans domicile fixe qui y étaient hébergées ont trouvé refuge dans un immeuble de la rue Littré qu’ils ont surnommé du nom du chef indien Geronimo. Leurs objectifs ? Trouver un abri, mais aussi revendiquer le droit au logement. Une plainte a été déposée par la Silène qui souhaite réhabiliter cet immeuble pour reloger une vingtaine de ses locataires. L’audience au tribunal s’est déroulée le 2 décembre dernier, la décision d’expulsion a été rendue le 16 décembre.