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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Feu follet

(Portugal 2022) comédie-musicale, science fiction de João Pedro Rodrigues avec Mauro Costa, André Cabral, Joel Branco.
1h07.

Note de la rédaction :

Quel coup de… maître ! Quelle délectation… Feu follet, un de ces petits croquants du cinéma d’auteur que l’on déguste, bouche bée, l’esprit grand ouvert, c’est préférable ! Et quel génie ce João Pedro Rodrigues ! A vrai dire, mieux vaut en être bardé (de génie, et d’extravagance, assurément !) pour ériger une œuvre aussi… caniculaire. A prendre dans tous les sens, au propre comme au figuré (sans mauvais jeux de mots, évidemment !). Quoique… Pourquoi vouloir arrondir les angles alors que le réalisateur portugais met à nu, sans complexe, l’incandescente fragilité de ce monde en proie aux flammes et aux pandémies ; et sans filtre, l’ardente relation naissante entre deux jeunes hommes aux géométries sociales variables. Pour faire (très) court : un prince (blanc) qui rêve de devenir pompier, un pompier (noir) qui rêve de République. Et une « fantaisie musicale » poétique, chorégraphique et intensément phallique ! João Pedro Rodrigues parvient même à faire de ces phallus en érection – tels ces arbres vénérés qui s’élèvent, le tronc fier, vers le ciel –, des œuvres d’art… Comme ces corps aussi, dénudés, de ces pompiers que l’on voit se contorsionner pour reproduire des tableaux inspirés des plus grands maîtres. Délirant. Un petit chef-d’œuvre gay, baroque et complétement déjanté qui joue de ses excentricités, sans en abuser, pour appuyer là où ça fait mal, pour mettre le doigt sur des sujets qui dérangent, bousculent la bienséance, brisent les prés carrés, jettent en pâture les mythes fondateurs. Tout y passe, colonialisme, esclavagisme, grossophobie, racisme, homosexualité, déterminisme social… Et ce, avec une intelligence telle que la gravité des propos et des maux est ici “apaisée” par un comique burlesque d’une brûlante finesse. Déroutant. Feu follet est une fable courte (1h seulement) et contemporaine, un petit théâtre de poche anachronique et visionnaire, un conte écolo-queer-érotico-politique qui met à “mâle”, sans trop se brûler les doigts, préjugés et inactions. Et qui ne se gêne pas pour donner un joli coup de pied dans la fourmilière d’une monarchie poussiéreuse, et s’affranchir des codes cinématographiques… En gros, on prend son pied 🙂