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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Sans filtre

(Suède 2022) comédie satirique de Ruben Östlund avec Harris Dickinson, Charlbi Dean Kriek, Woody Harrelson.
2h29

Note de la rédaction :

Shit, shit, shit… Peut-être le fil conducteur de cette Palme d’or*, satire post-bolchévique où l’on brandit à coups de brandy des citations de Marx et Lénine pour tirer à boulets rouges sur cette espèce de chose nauséabonde qu’est ce capitalisme déguisé, misanthrope par intérêt, « c’est pour mieux se goinfrer, mon enfant  ! » 

Des trop riches insatiables, qui ont trop faim d’argent, des trop riches à en gerber que Ruben Östlund cloue au pilori, avec pour seule défense… une balle dans la tête, comme au bon vieux temps des procès staliniens. Sauf que là, le goulag est un yacht, l’île Solovetski un (semblant de) paradis sur terre (l’enfer n’est jamais bien loin) et le procureur, un franc-tireur suédois fan de geysers scatologiques !  

La scène apocalyptique du dîner en est une démonstration, belle ou pas, à chacun de voir. Mais pas sûre qu’elle fasse l’unanimité ! Certains se tordront de rire, d’autres les boyaux, pris de haut-le-cœur et pressés de passer à la suite ! Une scène métaphorique, politiquement correcte ou incorrecte selon là où l’on se situe !  

Une chose est certaine, Ruben Östlund signe là une comédie cyniquement décapante où il fait de la lutte des classes son cheval de bataille… Attaquant de plein fouet, et sans filtre, ces oligarques russes qui « vendent de la merde » et autres industriels immoraux qui se noient, entre semblables, dans les seaux troubles à champagne, qui abusent sans vergogne de leur pouvoir pour dominer, humilier les “castes” qu’ils jugent inférieures et jouer de manière abjecte avec ce petit personnel qui doit se plier à tous leurs caprices et desiderata ! Petit personnel qui prendra peut-être sa revanche, qui sait ?  

Ruben Östlund ne s’est pas gêné pour grossir le trait (si tant est qu’il ait été grossi !!) et faire de ce grotesque la matière de cet ovni chaotique et déjanté qui met le doigt, avec un humour cinglant et percutant, sur les excès, dérives, dénis, obsessions, faiblesses de l’être riche où les mouches à merde tournent souvent autour… Avec agacement, j’avoue ! Mais qui aime les mouches ? 

Et l’homme, dans tout ça, que devient-il une fois défait de ses parures luxueuses, de ses Chanel, Rolex et compagnie, nu de toute cette superficialité qui n’a pour seule existence que l’apparence que ces riches veulent lui attribuer ? Oui, que devient-il lorsqu’il est réduit à n’être qu’homme, et tente de survivre à la manière d’un Robinson Crusoé sur une île déserte ? A mille lieues de sa tour d’ivoire, des ces restos guindés où comme ce jeune couple d’influenceurs/mannequins trouve le moyen, au début du film, de se prendre la tête sur la “bill”** et de déverser sa bile ad nauseam ! Oui, que devient-il sans ces esclaves des temps modernes pour assurer le b.a.-ba et gérer la merde, sa merde ?! Oup’s, on y revient, shit alors ! 

 

* Festival de Cannes
** Facture