[zoom] Tirailleurs
(France 2023) drame historique de Mathieu Vadepied avec Omar Sy, Alassane Diong, Jonas Bloquet.
1h40.
Entre 1914 et 1918, 160 000 tirailleurs africains sont mobilisés pour venir se battre sur le front en France métropole. Plus de 30 000 d’entre eux ne reviendront pas. De cette histoire mal connue, nous reste cette affiche publicitaire de 1915 du peintre Giacomo de Andreis représentant un tirailleur pour la marque de boisson chocolatée, Banania. Cet imaginaire colonial appartient aujourd’hui à la mémoire. Le film de Mathieu Vadepied avec Omar Sy, tourné en langue peul, porte pour la première fois sur grand écran et à hauteur d’homme l’histoire de ses engagés, volontaires ou forcés, de l’Afrique coloniale lors de la Grande guerre. Une pierre supplémentaire à la construction de cette mémoire collective entre les Français descendants dits des indigènes et les Français de métropole. En 2006, Rachid Bouchareb avait ouvert la voie avec son film Indigènes. Fortement inspiré du film à succès de Steven Spielberg Il faut sauver le soldat Ryan, il mettait en lumière ses hommes d’Afrique du Nord qui ont libéré l’Europe et la France en 1944. Tirailleurs n’est pas un film de guerre comme on les connaît : des épopées de personnages se révélant au milieu des atrocités d’un champ de bataille. C’est avant tout un drame familial. Un père et son fils plongés dans une guerre qui ne les concerne pas. Thierno Diallo est un jeune berger de 17 ans, raflé près de son village pour être enrôlé de force. Son père Bakary s’enrôle à son tour pour veiller sur son fils. Il n’a qu’une idée en tête : le ramener sain et sauf quitte à déserter et à s’enfuir. Mais Thierno va s’affranchir de cette tutelle paternelle bienveillante, sous l’emprise de son officier et par une promesse : se voir attribuer la citoyenneté française et les avantages qui y sont liés. Bakary tombera en voulant sauver son fils. « C’est un film nuancé, sobre et sans manichéisme qui ne cherche pas à présenter de héros ni de victimes mais des personnages complexes », soutient Anthony Guyon professeur à Sciences Po, et auteur du livre référence Les tirailleurs sénégalais – De l’indigène au soldat, de 1857 à nos jours (Perrin, 2022).
Reste une ombre au tableau, un final mal amené : Bakary serait ce soldat inconnu transféré sous l’Arc de triomphe. Un épilogue déjà travaillé et bien mieux exploité par la BD L’homme de l’année – 1917 de Fred Duval et de Mr Fab (éditions Delcourt). Tirailleurs est au final une œuvre qui fait du lien dans une société où les identités peuvent être clivantes.