Guillaume Perret, le Gepetto d’un jazz atomique !
Le saxophoniste, compositeur, bricoleur et explorateur de sons d’envergure internationale se produit, ce vendredi 24 février, sur la scène du Vip à Saint-Nazaire. Rencontre électrique. Et Simplifly !

Pas un hasard si “l’enfant terrible du jazz français” – selon la formule recyclée…, parce qu’in fine, avouons-le, elle lui sied comme un gant – a baptisé sa toute jeune entreprise Gepetto production ! Alliage évident qui n’aurait sans doute pas sauté aux yeux si ses initiales ne s’étaient rallongées pour aller taquiner, à la barbe et au nez de Pinocchio, son créateur ! Alliage évident pour ce bidouilleur de sons électrifiés pris en flagrant délit de “bricolite aiguë” ! Il suffit de parcourir des yeux les pièces de son antre tarabiscoté de Saint-Nazaire, où l’enfant d’Annecy a posé ses étuis en été 2021, pour en saisir toute la portée créative… et indiscutablement musicale.
« Comme des Lego »
Car quand Guillaume Perret ne transforme pas les palettes de bois en meubles dans son garage ; à l’étage, dans son studio rouge, il cisèle les sons, joue avec, les arrange, les étire, les galvanise, les tord, les distord, les explore, les explose comme il le fait avec les codes du jazz traditionnel… Sans parler des “petites misères” qu’il fait subir à son saxophone sorti tout droit d’un film de science-
fiction, version Mad Max ! « J’avais besoin de lumière pour jouer dans les Clubs. Avec des ingénieurs, on a créé tout un circuit électrique et soudé un led dans le pavillon. Rien de fou en soi, mais je n’ai vu ça nulle part ailleurs. C’est en quelque sorte ma marque de fabrique », explique le musicien qui ne s’est pas arrêté en si bon chemin. Après les lumières, les micros fixés au sax et connectés aux pédales d’effets et autres loopers…
Une ingénieuse invention sans cesse en (r)évolution qui donne à la musique de Guillaume Perret une tonalité à part. Unique. Singulière. Organique. Transcendante. Porté par cette frénésie rythmique inclassable, le globe-trotteur sonore traverse « les siècles et les peuples » à la vitesse du son, s’inspire de ces multiples univers qu’il imbrique les uns aux autres « comme des Lego ! »… Pour créer une sorte de tour de Babel cristallisée par une fusion hybride (ou confusion consentie !) de métal abrasif, de rock progressif, de groove électrique, d’électro magnétique, de jazz onirique. A la croisée des plaines orientales, balkaniques, cosmiques et parfois… moyen-âgeuses. A l’instar de Heaume, l’une de ses dernières créations, une commande du Conservatoire de Strasbourg pour 30 et 1 saxophones ! Un voyage électro chevaleresque à l’essence puissamment cinématique et à la coïncidence étymologique manifeste… Guillaume, vient du prénom germanique Wilhelm. Will signifiant volonté et Helm… heaume, au sens de protection !
« Une centrale nucléaire d’émotions »
D’où cette musique qu’il qualifie d’« hyper personnelle. Le fruit de mes explorations intérieures, de mes états d’âme, de mes montées émotionnelles parfois sombres, parfois ensoleillées. » Assurément explosives. Atomiques ! Guillaume Perret est « une centrale nucléaire d’émotions », confie l’illustre saxophoniste américain John Zorn qui a signé, sous son label, le premier album (2012) d’Eletric Epic, né en 2009. Une onde de choc. En 2010, l’ovni néo-nazairien biberonné à Bach par sa mère discrètement mélomane se voyait nominé aux Victoires du jazz ! Avant qu’il ne se sépare de son groupe et ne « marche seul » avec Free (2016) dans les rues de Paname ; ses armes faites en Suisse, les cinq continents parcourus et les scènes new-yorkaises écumées, entre autres pérégrinations musicales. Paris, la ville “feel good”, là où il s’est forgé un mental d’acier, s’est fait un nom, désormais estampillé à l’international. Avant de s’en extraire pour s’établir à Saint-Nazaire « près de [sa] famille, de la mer et pas trop loin de la gare ! »
Il a croisé Prince, réalisé la BO de Thomas Pesquet, partagé un duo au pied levé avec Christophe, fait les premières parties d’Ibrahim Maalouf au Zénith… Et même pas impressionné ! « Je n’ai pas de héros. »
Concert au Vip
La valise dans le couloir, le sax et le skate à portée de main, toujours prêt à dévaler la rampe d’escalier pour filer aux quatre coins du monde quand il n’est pas à œuvrer dans la cité portuaire (et la Région) où il a été accueilli comme un prince ! « A peine étais-je arrivé qu’on me considérait déjà comme l’enfant du pays. C’était ouf ! » De là, les projets n’ont cessé de fuser ; qu’il arbore sa casquette d’enseignant (Conservatoires de Saint-Brévin, de Saint-Nazaire, lycée Aristide-Briand…) ou son Marcel de lumière au festival Les Escales (il s’y est produit à deux reprises). Tout prochainement, il présentera au Vip son nouveau projet aux côtés du batteur Tao Ehrlich. Et de Samifati en guest. Pour une odyssée électro énergisante tout en Simplify. A l’image de Guill’heaume sax’home, humble seigneur en sa demeure d’un jazz en perpétuelle réinvention.