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Spectacles # Saint-Nazaire

Misericordia

Un portrait à la Fellini de trois mères courage aussi terriblement pauvres que vivantes. Magnifique.

Un plateau quasi vide, vide comme les porte-monnaies d’Anna, Bettina et Nuzza. Les trois femmes vivent ensemble dans une masure étriquée du sud de l’Italie. Toujours ensemble, elles élèvent et protègent Arturo, l’enfant autiste qu’elles ont recueilli après la mort brutale de sa mère, leur amie. Le jour, elles cousent, tricotent, se chamaillent, rient. Le soir, elles s’affublent pour aller trimer dans la rue en vendant leurs corps trop tôt éreintés. Elles ont le verbe haut, cru et rude, la faconde bourrée de tendresse, leurs mains sont bavardes, leurs formes généreuses. Quant à Arturo, mutique de mots, c’est avec tout son corps qu’il exprime ses émotions en entraînant ses trois mammas dans des sarabandes exaltées.  

Et voilà bien le talent de l’auteure et metteuse en scène sicilienne Emma Dante, créatrice en 1999 à Palerme de la Cie Sud Costa Occidentale : entre-tisser théâtre et danse, la vitalité de trois comédiennes (qui s’expriment en dialectes des Pouilles et de Sicile) et la gestuelle étrange d’un danseur. Parce que, ici, ce n’est pas le sens premier des paroles qui est le plus important, mais la partition d’amour qui consolide cette famille pas comme les autres, pas comme il faut, cette famille maintenue bec et ongles. 

Aucune trace de misérabilisme, de mélodrame ou de psychologie dans Misericordia. Emma Dante y dynamite les conventions de la cellule familiale traditionnelle, les tabous et la fausse pudeur pour mieux donner à voir ces femmes fortes en lutte contre la violence sociale. Pour le droit à une vie.  

Un spectacle de résistance qui chamboule, qui transporte, qui bat au rythme du cœur des pauvres : Miseri-cor.