Lancer franc contre la schizophrénie
Thomas Krunić dribble la vie à pleine balle. Basket, chant, théâtre, mannequinat et un 5e ouvrage en préparation… Le jeune Nazairien prend sa revanche sur la maladie. Et compte bien partager sa victoire.

2014, « le clash ». A 21 ans, ce jeune espoir du basket nazairien est interné à l’hôpital psychiatrique d’Heinlex. Le diagnostic est posé : schizophrénie. Ses rêves de joueur professionnel s’écroulent. Lui avec. Thomas Krunić ne mâche pas ses mots : « J’ai vécu l’enfer. » L’enfer de la maladie, des crises. L’enfer de l’enfermement, de l’isolement, et la désolation d’une vie d’un interné passif. « Tout ce que je ne voulais pas être. » De retour à la maison, la reconstruction a été longue et laborieuse : « Je ne sortais plus de ma chambre, j’arrivais à peine à tenir une cuillère. Je n’avais plus d’amis, je perdais totalement pied avec la réalité. Puis, j’ai commencé à aller chercher du pain et multiplier les petites expériences. » Et pas à pas, les foulées sont devenues plus amples. Chaque progrès se transformant alors en une victoire sur la maladie. La phase de resocialisation était bel et bien enclenchée. Or, le plus dur restait encore à faire : « Se sevrer du basket et de cet objectif de professionnalisation omniprésent, obsessionnel. Et pour ça, je ne remercierai jamais assez ma psychothérapeute. Elle m’a sauvé la vie. »
Ecriture salvatrice
Le sevrage fait, l’équilibre recouvré, Thomas se met « en veille protectrice » pour le conserver. Avec toujours ce temps d’avance pour ne jamais laisser son esprit inoccupé… Est venue alors l’écriture, tel un acte salvateur. « Le premier pas pour me livrer, me libérer de ce que j’avais en tête. Pour raconter, dire, montrer que c’est possible. Que c’est possible, même si c’est extrêmement dur, de vivre avec et de s’en sortir, de vivre avec et de se réinsérer. » Thomas en est la preuve vivante. Il publie à 22 ans Esprit libre, un peu trop (2015), son premier ouvrage, reprend – ironie du sort – son poste de chauffeur manutentionnaire à… Heinlex !, sort son deuxième ouvrage Stark fly (2017). S’ensuivent Man cloud (2019), livre jeunesse illustré par sa mère Olga et Balkan destiny, un clin d’œil à ses origines paternelles serbes (2021). Tous convergent dans la même direction : combattre les blessures de l’âme et « cette maladie de l’esprit ». Le 5e « en préparation » devrait paraître à la fin de l’année : « Cette fois, je donnerai les clefs pour dépasser le handicap, pour aider les familles à mieux accompagner leurs enfants. Pour faire tomber les tabous et donner espoir », souligne ce jeune « combattant » qui use de ses mots comme il joue (de nouveau, eh oui !) sur les terrains de basket du club de Plaisance, en D3… L’écriture telle une « passe décisive » offerte à qui veut la saisir, un lancer franc contre la maladie, un cheminement littéraire qui lui a valu d’être sélectionné parmi les “Jeunes talents, coups de cœur 2023” de la ville de Saint-Nazaire… Joli podium.
Entre chant et mannequinat
Pas de temps mort pour Thomas. 30 ans tout juste et « no limit ! Je frappe à toutes les portes. Et la première qui s’ouvre, je la saisirai ». Aussi, aime-t-il se lancer de nouveaux défis et explorer toutes sortes d’univers, en l’occurrence artistiques… La chanson, depuis 4 ans : « J’ai écrit et enregistré six compositions disponibles sur Youtube », en plus de prendre des cours de chant, d’anglais et tout récemment de théâtre avec l’association Eveil dont il est adhérent depuis 2018. Mais « en solo, pour commencer. Gestion des émotions oblige ! », confie-t-il, des rêves plein la tête. De mannequinat peut-être ? « Et pourquoi pas. Je ne suis plus pressé. Je tente tout. » Pour preuve, fin mai, il participera à la finale nationale de Top model Europe… Un sacré dunk à la vie doublé d’un rebond d’espoir !