Explorations spatio-temporelles au Grand Café
L’exposition Souvenir nouveau regroupe les œuvres d’une douzaine d’artistes de générations, origines et esthétiques multiples.
Un parcours déroutant, coloré et sensible, à voir jusqu’au 10 septembre.

Pas besoin de partir bien loin cet été pour s’offrir un voyage à travers l’espace, le temps et la matière. Avec une diversité d’œuvres et de supports (tableaux, sculptures, vidéos, installations…), l’exposition Souvenir nouveau invite le public à se laisser porter dans « des mondes qui surgissent, se côtoient, disparaissent, sans autre boussole que ses yeux et son corps ». La commissaire d’exposition et critique d’art Anne Bonnin explique avoir voulu « faire un pas de côté par rapport à l’art qui véhicule un message et se laisser guider par une forme d’intuition du présent ». Ce qui n’enlève rien à « l’intelligence des œuvres ».
Sans parcours tout tracé, les visiteurs peuvent voguer d’une œuvre à l’autre. Au sein d’un même espace, plusieurs époques se télescopent. Jean-Luc Blanc, artiste qui estime que ses tableaux doivent pouvoir être « infiniment retouchés », expose ici un portrait, ou du moins sa version à cet instant, de l’icône des sixties Marianne Faithfull. La peintre Nina Childress reproduit une scène – méconnaissable – de la série des années 80 Salut champion, dans un tableau phosphorescent intitulé Petite nageuse. Anne Bourse, dans une maquette mêlant vitraux, tissus, couvertures et lampes, convoque les décors de Columbo et des Simpson.
Objets d’hier et d’aujourd’hui
Point de nostalgie ici. Comme dirait Anne Bonnin, « chaque souvenir s’actualise ». Par exemple, Ethan Assouline, le plus jeune des artistes exposés (il est né en 1994) explique qu’il utilise « l’esthétique lissée du début des années 2000 » pour la retourner dans un « système critique ». Ses œuvres mettent en lumière un « jeu de contradiction », entre l’optimisme de ces années-là et les crises que nous traversons aujourd’hui. A partir de petits objets trouvés ou achetés, il crée des sculptures aux « formes joyeuses, en apparence, pour parler de situations violentes ». Début juin, il est venu en disséminer quelques-unes dans les salles d’exposition, jusque dans leurs recoins les plus inattendus. Ouvrez l’œil ! Le temps se plie et se déplie sous toutes ses coutures, littéralement, dans les textiles déployés par Mélanie Matranga ou les draps et couvertures réutilisés par Liz Magor. Dans un tableau de Jean-Pierre Allain, deux images accolées, offrent, selon ses termes, « une image simultanée, comme un flux instantané ». L’artiste-artisane Raffaella Della Olga dessine, elle, des motifs répétés (ou pas) à partir d’une vieille machine à écrire qu’elle compare à « une batterie ou un piano ». Ses jeux sur les motifs et la matière se déploient dans de grands livres-objets.
Iran, Inde, Sénégal
Cette exploration dans le temps et les espaces fait écho aux multiples réalités coexistant à chaque instant aux quatre coins du globe. Les dessins de l’artiste iranienne Armineh Negahdari portent les marques de sa préoccupation pour le sort réservé aux femmes dans son pays. A travers des sculptures en partie composées de poussière, l’artiste Amol K. Patil, basé en Inde, évoque pour sa part les Intouchables, parias relégués au plus bas du système de caste hindou. Les vidéos de Hamedine Kane questionnent les expériences politiques postindépendance de certains pays d’Afrique, en particulier le Sénégal.
Dans ce voyage à Souvenir nouveau, chaque visiteur fera sa propre expérience. Dans la grande salle du rez-de-chaussée, trône un ancien silo traversé de lumière sur lequel s’étire un gant vétérinaire. « Je souhaite que mes objets ne parlent pas », dit, à propos de cette œuvre, l’artiste Gyan Panchal. Pourtant, l’ancien objet agricole est comme transpercé par « un signe » ou « une sorte de lueur ». Comment l’interpréter ? Pour le savoir, il faudra aller voir.
Les ++
Visites commentées tous les samedis, 16h.
Visite commentée en langue des signes française (LSF), jeudi 29 juin, 18h.