Retour à l'agenda
Chroniques # Saint-Nazaire

Ces gamins qui racontent l’après-guerre face caméra

Fin de tournage le 27 juin. Le film “Les gamins de Saint-Nazaire” devrait sortir cet hiver. L’association Le vieux Saint-Nazaire lance une cagnotte en ligne. Rencontre avec Jakez Lhéritier, l’un de ces 10 gamins, initiateur du projet !

On les imagine bien, ces gamins de Saint-Nazaire, en culottes courtes, sur le front de mer, à faire les 400 coups ! On imagine… « ou pas », rétorque Jakez Lhéritier, trois ans quand ses parents alors réfugiés à Lavau reviennent à Saint-
Nazaire, en 1945, « en camion. Je nous revois encore traverser ces champs de ruines… à perte de vue ». Ce 11 mai 1945, la dernière ville de France libérée n’était plus qu’« un tas de décombres informes », à 85 % pulvérisée. Le temps était à la Reconstruction, très peu à l’insouciance : « On se débrouillait comme on pouvait. On pêchait la nuit en bande sur le remblai. On vendait nos crevettes, crabes et boucauds pour se payer une place de cinéma, aller à la kermesse. On avait notre clientèle ! », se souvient Jakez.
 

En 1998, lors de retrouvailles avec ses anciens camarades de classe de « l’école en bois » de Sautron, il réalise l’importance « d’enregistrer [leurs] souvenirs, [leurs] mémoires ». Les baraques en bois alignées sur le front de mer, sans eau ni chauffage et « le seau dans la cabane au fond du jardin en guise de toilettes ! », les bungalows mieux lotis, les colonies de vacances « et avec, la découverte, à 8 ans, des brosses à dents ! », l’apprentissage, les sur-booms « à l’arrière des cafés », les transistors, les échanges avec les Américains « et la trentaine de bars dancing. Nous, on n’y allait pas ! », sourit Jakez. 

Que de souvenirs d’enfance, échelonnés entre 1945 et 1962, que Jakez Lhéritier, 81 ans, a souhaité immortaliser en film. Les gamins de Saint-Nazaire. Un 52 minutes porté par l’association Le vieux de Saint-Nazaire et conçu par le réalisateur Rémi Valais. Qui devrait sortir cet hiver. Pour l’heure, « on va finir de collecter les témoignages ». Sur les 10 gamins, témoins de leur temps, 5 d’entre eux restent à interviewer. Fin du tournage prévu le 27 juin. Au total, près de 50 heures d’enregistrement ! « On va devoir couper, trier, assembler. On ne pourra malheureusement pas tout garder. Mais c’est déjà mieux que rien ! »  Entre devoir de mémoire et transmission, ce film s’impose comme tel, essentiel : « Les vieilles pierres restent. Les souvenirs s’envolent, se perdent. D’où l’intérêt de les enregistrer. » Illustrée d’images et de vidéos d’époque, cette « évocation filmée »  sera racontée, en voix off, par « une personnalité de Saint-Nazaire de 99 ans », et rythmée par des musiques qui ont bercé l’enfance de ces gamins nazairiens.  

En attendant sa diffusion, « on l’espère », sur les chaînes nationales – « on a contacté Arte, la RTB… » –, l’association lance une cagnotte en ligne sur kengo.bzh pour boucler ce film non subventionné. Un choix qui a un coût : « Le budget est estimé à environ 25 000 € », soutient Jakez, en recherche d’autres mécènes… A bon entendeur !