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Cinéma # La Toile de Mer

[zoom] Le livre des solutions

(France 2023) comédie de Michel Gondry avec Pierre Niney, Blanche Gardin, Frankie Wallach.
1h42.

Note de la rédaction :

Qui a eu cette idée folle un jour d’inventer Gondry ? C’est… ce… sacré… ? Vous donnez votre langue au chat, rhoo ? Eh bien, Gondry lui-même, pardieu ! Le Gepetto d’un cinéma créé ex-nihilo, à partir de petits riens et de grands tours, de bouts de rêves, de bouts d’enfance, de bouts foutraques et de bric-à-brac improbables. Une sorte d’ “unirêve” où la réalité bascule dans l’absurde comme une lettre à la poste, n’y voyant que du feu sinon parfois des objets difformes, des formes disproportionnées, des apparences déséquilibrées, des équilibristes à fleur de peau, à l’adresse du poétiquement correct et de l’incorrectement poétique… 

Un salmigondis joyeusement spleen, empreint d’inventions lunaires ancrées sur terre, et dans lequel le réalisateur nous emporte avec lui, sans coup férir.  

Eternal sunshine of the spotless mind, La science des rêves entre autres films cultes. Et aujourd’hui, Le livre des solutions. Un film dans le film où Gondry – à travers le personnage dispersé et bipolaire de Marc (réalisateur en son état incarné par Pierre Niney, alias Pierre le Grand pour les fans invétérés !) –, semble ainsi vouloir partager avec son public une part de lui-même ! Sans doute, Le livre des solutions fait-il partie de ses œuvres les plus personnelles qu’il n’ait jamais eu à écrire… Et qu’on lit assurément avec jubilation et frayeur, parfois. Car Marc, incontrôlable, peut vriller à tout moment. Des instants de colères démentielles doublées d’une paranoïa maladive et de dérives autoritaires qui ne sont pas sans mettre mal à l’aise. Un personnage hors d’atteinte tout aussi détestable qu’attachant. Qui prend tout l’écran, balayant d’un revers de main, écrasant au sens propre comme au figuré les Blanche Gardin et autres protagonistes. Un Marc qui, magnifié par le magnétique Pierre Niney, donne pourtant à cet ovni cinématographique toute sa dimension fantasque et tragiquement touchante. Quelle merveille de le voir ainsi, nos yeux grands ouverts, tomber dans cette douce folie créative ; un génie d’ingéniosité onirique par excellence… La scène de l’orchestre où il se donne corps et âme en est un exemple pur et dur, une poésie de la création par excellence, un recueil d’anthologie qui marquera les sens de tout un chacun, si l’on adhère bien sûr à l’univers gondrien. Quelle merveille aussi de pouvoir déguster à volonté, nos yeux fermés, ces répliques singulières et sismiques qui pétillent, claquent, éclatent dans la bouche comme des bonbons, à la manière d’une madeleine de Proust ! Une pépite qui nous met hors du temps, le temps d’obsessions nocturnes (pour Sting et le PDG d’un supermarché !), le temps de saisir l’insaisissable, le temps de jouer, de dessiner nos rêves d’enfant, le temps de trouver les solutions… Et de les lire à livre ouvert. Grand ouvert.