[zoom] Le procès Goldman
(France 2023) drame judiciaire de Cédric Kahn avec Arieh Worthalter, Arthur Harari, Jeremy Lewin.
1h56.

Peu de temps après la sortie d’Anatomie d’une chute, voici un autre procès, historique et médiatique cette fois : celui de Pierre Goldman. Un militant d’extrême gauche, écrivain et braqueur ayant défrayé la chronique dans les années 70. Condamné en première instance à perpétuité pour quatre braquages à main armée, dont un ayant entraîné la mort de deux pharmaciennes, Goldman en reconnaît trois. Il clame son innocence pour le quatrième. Dans ce “film procès”, Cédric Kahn choisit de s’en tenir au huis clos du second procès aux assises du frère du chanteur Jean-Jacques Goldman. Dans le public, Simone Signoret et Régis Debray, ancien camarade de guérilla en Amérique du Sud, venus le soutenir comme la gauche intellectuelle de l’époque.
Dès les premières images de l’adaptation de cette affaire mythique, le ton est donné. Le style de Goldman aussi avec ce courrier rédigé à l’attention de son avocat Georges Kiejman, futur ténor du barreau. Avec son éloquence de tribun, Pierre Goldman aurait pu assurer lui-même sa défense. Ce qu’il aurait préféré d’ailleurs… Car la langue de Pierre Goldman, sa verve cinglante et percutante, claquent. Ici, point d’action mais une tension extrême. Dans l’ambiance passionnée et tumultueuse du tribunal, l’avocat tente de contenir son insaisissable client, sa fougue, et la foule. Ici encore, pas de musique non plus ni de flashback, Kahn mise tout sur la seule force du langage. Pari réussi.
Mais au-delà de la langue, le film résonne de manière effarante avec notre époque : violences policières, délit de faciès, racisme, mépris de classe. En les dénonçant, Pierre Goldman semble devancer de plusieurs décennies le combat actuel contre les discriminations. Tourmenté par son héritage écrasant, des parents immigrés juifs polonais, résistants communistes en France durant la Seconde Guerre mondiale, le personnage est comme frappé par la malédiction d’être né trop tôt ou trop tard. Épique, fantasque, fulgurant, intransigeant y compris avec lui-même, ce personnage est un héros à la Dostoïevski. Un accusé faisant figure d’icône de la révolte.
De recherche de la vérité, de fragilité de témoignages, de justice, il est encore question. Dans cette affaire, il n’y a pas de preuve définitive. « Je suis innocent parce que je suis innocent », annonce-t-il d’emblée en ouverture du procès. Se justifier serait un aveu de culpabilité. L’accusé estime que son innocence n’est pas discutable. Elle est ontologique. En même temps, s’il ne veut pas discuter, c’est qu’il est peut-être coupable… Magistral. Reste que le film ne prend pas parti. Les jurés, comme les spectateurs, sont ballottés de sentiments et d’impressions contradictoires. Parce que Goldman lui-même l’était… contradictoire.