Tu me loves ?
Comment la jeunesse des cités HLM de banlieues françaises vit-elle l'amour ? Comment en parle-t-elle ? Peut-on en percevoir quelque chose quand on n'y a pas vécu soi-même ?
© Marion Poussier
Regards timides ou bravaches, interdits ou provocations des corps, désirs pudiques ou transgressifs, dans une seule et même interrogation : « Tu me loves ? Tu me loves ? Tu me loves ? » Comme pour tous les adolescents du monde. Et pourtant, ce n’est jamais cette humaine agitation des jeunes gens que l’on appelle, par raccourci, « des banlieux » qui est sous les projecteurs…
C’est ce qui a interpellé – et passionné – l’écrivaine et poétesse Sonia Chiambretto, qui, avec la photographe Marion Poussier, a arpenté les allées quadrillant les blocs de béton d’une trop banale cité de province. Il en est résulté un ouvrage rassemblant montage de paroles recueillies et ses propres écrits auxquels les clichés de Marion Poussier faisaient écho : Tu me loves ?
Aujourd’hui, Sonia Chiambretto et trois comédiens en tirent une performance baroque, où, sans plus d’images, les témoignages de ces filles et garçons offrent l’épure d’un langage amoureux brut, une géographie des soifs et des rêves adolescents. Elle qui dit écrire des « langues françaises étrangères » tisse ces multiples voix à des textes de sa création pour en saisir un récit emprunt de crudité et de poésie. S’y heurtent sans concession misogynie, verdeur, tendresse, combats pour la liberté d’être et d’aimer, qui cognent dans les mots portés comme des poèmes par des comédiens voltigeurs, ni trop près ni trop loin et surtout… ni trop hauts.
Une parole rare restituée à une jeunesse si mal connue qu’elle fait peur, une jeunesse qui retrouverait les tourments propres à son âge.