[zoom] L’enlèvement
(Italie 2023) drame de Marco Bellocchio avec Paolo Pierobon, Enea Sala, Leonardo Maltese.
2h14.

L’Enlèvement, à ne pas confondre avec Le Consentement qui revient sur l’affaire Matzneff, écrivain visé par une enquête pour viols sur mineur de moins de 15 ans. Deux films qui, à première vue, semblent avoir peu de chose en commun, si ce n’est cette troublante consonance littérale qui les unit ! Semble-t-il… Car si l’un se passe en des temps anciens – XIXe siècle, à Bologne en Italie –, et l’autre en des temps plus contemporains – 1985, à Paris en France –, et si les sujets abordés se positionnent aux antipodes, en y regardant de plus près…, des parallèles pourraient se faire ; toutes proportions gardées, il va de soi.
Marco Bellocchio et Vanessa Filho s’emparent, ainsi à leur manière, de faits divers glaçants… D’un côté, le rapt d’un enfant juif par le pape Pie IX qui, à l’époque, secoua jusque dans ses institutions l’Italie pontificale. De l’autre, les viols de cet écrivain amèrement célèbre et pédophile assumé. La sortie du livre éponyme et autobiographique de Vanessa Springora, victime de ce prédateur sexuel, provoquera un véritable séisme dans le monde littéraire. Deux scandales, pour une onde de choc sans précédent dans l’opinion publique. Deux scandales, deux faits divers, deux histoires, aujourd’hui adaptées à l’écran, qui dénoncent. Qui dénoncent l’emprise destructrice de ces “tout-puissants”, de ces rhétoriciens au verbe aisé, sur des êtres innocents, en devenir, en construction qui, enfermés dans leur mutisme, finissent par se soumettre ; démunis, anéantis, détruits. Dans Mes biens chères soeurs, Chloé Delaume écrira : « Qui possède le langage possédera le pouvoir ». Tout est dit ! Et de pouvoir, dans ces deux histoires, il en est question. Le pouvoir, les abus de pouvoir, qu’ils soient sexuels ou psychologiques, “Ou” car dans L’Enlèvement, le drame ici “conté” aborde l’endoctrinement par la religion – pour ce cas – catholique, et non le viol.
On est en 1858, dans le ghetto juif de Bologne, les policiers pontificaux enlèvent, de force, le jeune Edgardo Mortara, 6 ans, baptisé bébé — et en secret bien sûr, et sans le consentement des parents ! – par sa nourrice chrétienne craignant pour sa vie. La famille met alors tout en oeuvre pour le libérer. En vain. « Non possumus » (nous ne pouvons pas), rétorque le pape, à moins que les parents ne se convertissent au catholicisme ! Une histoire vraie poignante, déchirante, d’une esthétique photographique à la hauteur de cette fresque historique tout aussi passionnante que terrifiante, prise entre deux batailles. L’une, familiale, celle d’un père et d’une mère désarmés, impuissants face à cette machine intouchable qu’est l’Église catholique. Et l’autre, où se joue le sort de l’Italie, son unification et la fin du pouvoir de l’Église, du pouvoir…