Instants fertiles, semeurs de sons
Le coup d’envoi de la 11e édition du festival des arts sonores sera donné le 15 novembre par le grand guitariste classique Roberto Aussel. Suivront trois semaines d’expériences sonores insolites, visuelles et immersives.

ASMR
« Tout au long du festival Instants fertiles, on traverse des pratiques sonores et artistiques (ré)inventées qui ne s’apprennent pas », déclare Michel Hubert, le président d’Athénor. Comme c’est le cas avec le concert électro acoustique-noise de Noorg (19 nov.), duo de musiciens tritureurs de sons, ou avec le Live coding (2 déc.). Cette performance, à laquelle le public est invité à participer, veut désacraliser l’utilisation de l’outil informatique en libre accès pour la création sonore. Ce courant underground, Athénor veut lui donner de la visibilité, comme aux femmes d’ailleurs. « Beaucoup de femmes tracent leur sillon dans l’électro acoustique où elles se sont réfugiées pour faire parler leur créativité », explique Camel Zekri, le nouveau directeur des lieux. La preuve avec Valérie Vivancos, sur une invitation du Grand café, qui signe ici sa première participation au festival. Au programme, l’approche féministe d’un set musical et littéraire qui explore les fragments poétiques de Payvagues de et avec l’écrivaine Florence Jou (2 déc.). Deux duos de femmes se succèdent encore le 22 novembre. Le premier est celui de Mathilde Barthélémy et de Charlotte Testu. Dans Antipodes, la soprano et la contrebasse « questionnent les formes conventionnelles du théâtre musical avec un humour qui fonctionne bien chez les enfants ». Le second, composé de Christelle Séry et de Géraldine Keller, embrase les sons avec Ortie brûlante. De l’acoustique à l’hyper-électrique. Ce lien, tissé entre Athénor, le milieu artistique et les chercheurs, se retrouve aussi dans BBDMI, acronyme anglais de “Instruments de musiques numériques corps et cerveau” (24 nov.). Une proposition du chercheur-compositeur Atau Tanaka qui joue avec l’électricité de ses muscles.
Entre traditions et expérimentations
À la croisée des musiques traditionnelles, européennes et improvisées, la joueuse d’oud palestinienne Kamilya Jubran présentera Terrae incognitae aux côtés de Valérie Vivancos et de Soizic Lebrat (2 déc.). Sa programmation rejoint la préoccupation de cette scène labellisée Centre national de création musicale : « Ouvrir la porte à des artistes indépendamment du contexte géo-politique afin que les échanges interculturels puissent dépasser les conflits », indique Michel Hubert. La saxophoniste et flûtiste Sakina Abdou devrait d’ailleurs composer un duo avec le flûtiste nigérien Yacouba Moumouni (24 nov), à l’heure où les relations diplomatiques entre la France et le Niger sont rompues. Cette dimension transculturelle complète les projets d’Athénor autour de l’improvisation et de la composition, comme celle qu’Arturo Gervasoni a créée pour l’Argentin Roberto Aussel. Au rayon rencontre insolite encore, Karinn Helbert viendra habiller le texte de Marie Nimier, Petite sœur, avec le cristal Baschet, un instrument à résonance unique, dont elle est l’une des dernières virtuoses (19 nov.). Après le concert d’objets animés D’un air instable de Laurent Bigot, qui a inventé un dispositif pneumatique qui gonfle et dégonfle des… objets (18 nov.), voici celui d’objets détournés avec ASMR, « phénomène sensoriel qui se manifeste par des sensations agréables et relaxantes » (19 nov.). Seul concert sous casque avec des bruits d’objets au pays du micro-son. Si la réponse à la question « objets inanimés avez-vous donc une âme ? », n’est pas tranchée ici, Instants fertiles fait a minima la démonstration qu’ils sont porteurs
de sons…