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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Perfect days

(Allemagne, Japon 2023) comédie dramatique de Wim Wenders avec Koji Yakusho, Tokio Emoto, Arisa Nakano.
2h05.

Note de la rédaction :

Qui a résisté à L’arbre aux papillons d’or*, éloge de la lenteur par excellence, ne risque pas de se brûler les ailes en allant voir le dernier Wim Wenders, Perfect days ! Certes, le pari du cinéaste allemand de s’attaquer à un sujet aussi saugrenu que celui de dresser le portrait d’un nettoyeur de toilettes est osé… Vaste entreprise. Et c’est peu dire. Mais le désir, ne serait-ce qu’une seconde, de pouvoir toucher du bout des lèvres les raisons qui l’ont amené à s’aventurer sur un tel terrain, n’en est que décuplé. Un désir vite assouvi ? Ce serait vous mentir ! Ce désir grandit, s’intensifie au fil du temps. Temps suspendu, temps contemplatif et poétique. Temps d’arrêt. Oui, un temps doux hors du temps qui peut, pour certains, se transformer en une éternité, pour d’autres en une ode à la simplicité de la vie. Ordinaire. De gens ordinaires. Invisibles. Poètes errants, saltimbanques marginalisés, bouquinistes d’infortune… Déconnectés d’un monde ultra connecté, d’un monde trop pressé, requiem for a bad dream version japonaise ! Merveille. De ce conte existentiel sur fond de drame social, nous sommes ressortis sans voix. Sans voix, à l’image de Hirayama, incarné, habité, transfiguré par l’immense Kôji Yakusho qui a décroché à Cannes le prix d’interprétation masculine, ô combien mérité. Irrésistible ce sourire à demi dévoilé, irrésistible ce regard peuplé d’humanité, noyé dans les eaux troubles de la mélancolie et du silence… assumé ? À écouter en boucle ses cassettes d’une autre époque ! En boucle, Patti Smith, Van Morrison, Nina Simone, Lou Reed et son magnétique Perfect day ! Des jours parfaits, vraiment ? Hirayama, qui aime les livres, la photographie argentique, les arbres et leurs reflets…, semble se satisfaire de sa vie simple, ordonnée, réglée comme du papier à musique. Un jour sans fin avec de légères variantes à croquer à pleines dents… Une vie faite de rituels, comme pour mieux se protéger. Pour ne pas se souvenir de sa vie d’avant, de ses traumas qui se découvrent dans ces noirs et blancs volontairement flous. Hypnotique, minimaliste, drôle parfois, un chef-d’œuvre. Plus encore, a perfect movie !  

* drame contemplatif vietnamien de Pham Thiên ân, à (re)lire sur estuaire.org