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Chroniques # Saint-Joachim

La Brière compte ses oiseaux à la volée

À Saint-Joachim, la Maison du Parc de Fédrun œuvre au recensement régulier des populations d’oiseaux présentes sur le Parc de Brière. Elle se prépare aux Journées mondiales des zones humides qui seront lancées le 2 février. Immersion avant l’heure.

Les ornithologues, Matthieu et Swann, se frayent un chemin dans des eaux recouvertes d'une fine pellicule de glace.

Île de Fédrun, 9h du matin. Sur le ponton détrempé, il caille sévère… Un sacré froid de canard ! Emmitouflés dans leurs cuissardes et autres épaisseurs de tissu, les ornithologues de la Maison du Parc se partagent chalands, moteurs 9 CV et instruments d’optique. Chacun a à sa charge une entité du domaine. Sous ce soleil blanc, ils s’apprêtent à effectuer, comme à la moitié de chaque mois, le recensement des volatiles cachés dans les canaux du Parc de Brière. Matthieu Marquet, responsable biodiversité, est de ceux-là, en meneur de barque. En tout, près de 630 hectares à baliser dans la matinée, sur les 50 000 que représente cette immensité, deuxième « plus grand marécage français après la Camargue », classé Réserve naturelle régionale depuis 2012.  

« La réserve a une large vocation d’accueil pour les oiseaux. C’est un lieu de quiétude », indique le conservateur, dont la tâche principale lors de ces comptages réguliers est d’observer avec minutie « quels sont les oiseaux qui fréquentent les lieux, sur quelle période, à quels effectifs ». 

« Gymnastique visuelle » 

Matthieu, secondé de Swann Héliot, chargée d’opération sur le site depuis deux ans, fait le pied de grue dans le canot. Des milliers d’oiseaux de passage auront trouvé temporairement refuge dans la roselière, déterminés à passer tout ou partie de l’hiver in situ. Et la simple approche de la barque suffit à stopper la tranquillité de l’hivernage, et à faire décoller les oiseaux. Attention : en douceur, il ne s’agirait pas de les laisser s’enfuir du marais ! 

 

À mesure que les spécimens s’élèvent sous les premiers rayons, chaussés de leurs jumelles, nos observateurs mitraillent (du regard !) les amas de points noirs ainsi formés. Ils parviennent à en relever espèces et effectifs à la vitesse grand V. Canard sarcelle, canard souchet, canard colvert : rien ne leur échappe. Une acuité qui a de quoi clouer le bec ! « C’est de l’entraînement, de la pratique, reconnaît Swann. Même si ça vient vite, ça reste un coup à prendre. D’où l’intérêt d’être à plusieurs et d’avoir des gens expérimentés dans les équipes, on peut confronter nos chiffres. » Une « gymnastique visuelle », donc, mais très utile en répétant les comptages. Des inventaires réguliers permettront d’analyser avec fiabilité les niveaux de fréquentation du marécage. 

Une coordination à l’échelle mondiale 

D’autant que la mi-janvier est une période spéciale. Avec les migrations vers le sud de leurs camarades, « c’est là qu’on observe le plateau minimal d’oiseaux sur les lieux », souligne Matthieu. D’où l’idée de prendre cet « instant T » comme base de calcul. Chaque année, ce comptage s’inscrit dans le cadre d’une remontée de données au niveau mondial, jusqu’à Wetlands International. Créée en 1967, l’ONG (Organisation non gouvernementale) est chargée d’analyser les tendances de populations aviaires, en croisant des résultats enregistrés dans cinq parties du monde. Au même titre que les autres sites français pratiquant ce type de recensement, sous l’égide de la LPO (Ligue de protection des oiseaux), la Brière participe à la préservation globale de sites et d’espèces*. Tel « le phragmite aquatique », petit passereau faisant escale en Brière dans son long courrier Europe de l’Est – Afrique de l’Ouest. Fédrun l’étudie par capture, puis par baguage car, « trop discret », il se soustrairait au regard perçant des ornithologues. 

Science participative 

Chaque 2 février se déroule la Journée mondiale des zones humides, qui donne lieu à des événements partout en France durant le reste du mois. Et pour découvrir l’envers du décor et s’entraîner à comptabiliser les oiseaux, à distinguer  leur plumage, leurs attitudes, leur vol, la Maison du Parc de Fédrun organise un comptage participatif. Le public qui le souhaite peut se rendre au départ du port de Rozé à Saint-Malo-de-Guersac, jusqu’à se poster à la réserve Pierre-Constant, seule entité accessible à pied. « L’idée sera de leur faire découvrir nos méthodes, les espèces qu’on voit, le tout sous forme de jeu », explique Swann. D’ici là, faites chauffer les longues-vues : décollage samedi 10 février ! 

* En France, augmentation de 109 % de la population d’oiseaux d’eau hivernants en zones humides sur la période 1980-2023 (Source : données Naturefrance).