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Expos # Saint-Nazaire

Temps passé entre hope’ital et chauve-sourire

Jusqu’au 25 mai, le Grand Café accueille le Ministère des passe-temps de Benoît Piéron. Une visite à la fois grave et joyeuse, introspective et déroutante au cœur du monde hospitalier, bien connu de l’artiste pour y passer du… temps, accompagné de ses « maladies de compagnie » qu’il matérialise en œuvres d’art, sans héroïsme.

Diplômé de l’école des beaux-arts de Paris, Benoît Piéron sublime « les corps invalidés et non productifs, les corps de ceux qui vivent à l’envers de la société », comme une chauve-souris !

« Monique, c’est la star de l’expo ! », une chauve-souris toute mignonette que l’on croise un peu partout, en bas, en haut, dans la cage d’escalier, au fond du corridor ou encore suspendue à la banane cuivrée de l’artiste ! Depuis tout gamin, « je suis fan de p’tits vampires », confie l’éternel « animiste enfantin » au look bonbon acidulé. À l’image de son œuvre ultra perso « qui fait du bien ». Du rose comme son survêt, du vert, du jaune, du rouge comme sa casquette, du bleu, du orange, des couleurs arc-en-ciel comme ses baskets. Autant de nuances qui renvoient à l’enfance, et inondent avec tendresse et poésie tous ces espaces intérieurs. Un univers de soi, en soie, délicat et subtil, où se lit dans le hors-champ une certaine gravité. Qui bouscule. Car derrière cet imaginaire cocooning et radieux aux ambiances pastellisées, c’est tout sauf tout rose !  

De la salle des fêtes… 

Bienvenue au Ministère des passe-temps, « un temps particulier, celui de la salle d’attente d’un hôpital. Un temps sans début ni fin. On sait quand on y entre, jamais quand on en sort ! », l’histoire de Benoît Piéron, 41 ans, malade au long cours, pour qui l’hôpital est devenu, dès l’âge de 3 ans, « [sa] maison », alors atteint d’une leucémie en pleine affaire du sang contaminé. Un survivant. Et cette question lancinante qui ne cesse de l’accompagner : « Que doit-on faire de cette survivance pour ne pas être complètement écrasé par la culpabilité d’être en vie ? ». Eh bien, s’en emparer, ce qu’il a fait, et l’ériger en « porte-drapeau, pour porter la voix de ceux et celles qui n’ont pas survécu ». De ce/son « sang honteux », il en a fabriqué un rouge à lèvres qui sent bon le lilas, visible dans cette salle du rez-de-chaussée qui prend des allures de salle des fêtes ! Une boule à facettes, une guirlande de 128 m de long faite de fanions cousus à partir de draps réformés d’hôpitaux qui « pendouillent de manière joyeuse », et pour fond sonore, l’effervescence d’un comprimé : « J’ai voulu donner une matérialité à la maladie, et réconcilier les gens avec elle », alors qu’il y a encore cinq années de cela, de la maladie, il n’en parlait pas.  

… à Wonder Woman ! 

Aujourd’hui, la maladie, il l’extériorise, l’explore, l’expose, la tamponne, la colorise, la fait voyager (jusqu’à Tokyo), et en parle sans tabou, avec cet humour singulier et salvateur qui lui est propre, et qui nous fait voir, vivre de l’intérieur autrement la maladie. Rien de pathos, bien au contraire ! « Je montre ce que l’on n’a pas l’habitude de voir ! C’est vrai qu’en général, on ne connecte pas trop la maladie à l’univers de la fête, des peluches, et des machines à laver ! » Le Lavomatic, comme une exploration intime de son intériorité. Avec ces trois machines mises en lumière par des jeux d’optique qui ne sont pas sans faire référence aux gyrophares des Urgences, aux scanners et autres IRM, c’est comme si « le pouvoir médical, les espaces publics, la société se prolongeaient à l’intérieur des corps ».  

À l’étage, Benoît Piéron a souhaité investir les recoins délaissés, « sculpter ses peurs dans le velours de l’ombre », habiller les espaces d’objets multiples… Une plante de salle d’attente, des balles de jonglage, des cartes postales, des sortes de doudous bouillottes à câliner, un lit d’hôpital pas comme les autres, le Petit Prince avec des yeux dans le dos « comme sur ma casquette », un paravent d’hôpital à roulettes avec des motifs à la Wonder Woman, des savons, des tampons à l’effigie de Monique, que les visiteurs sont invités à colorier sur le mur officiel du Ministère des passe-temps. Monique imprimée, Monique coloriée, Monique prototype, Monique perchée sur sa perf’, telle « une ambassadrice qui veille sur nous, comme une compagnie, une maladie de compagnie qui fait le lien entre les vivants et les morts », confie l’artiste qui dort « en format paysage », les bras croisés, à la manière des p’tits vampires de son enfance.  

// au programme 

Visites commentées du samedi, 16h.
Visites-ateliers en famille : confection d’une guirlande de fanions colorés, samedi 29 mars, 11h ; sculpture sur savon, mercredi 21 mai, 11h, dès 5 ans. Création d’un tampon en linogravure, samedi 26 avril, 11h, dès 14 ans.
Rencontre avec Benoît Piéron, dimanche 30 mars, 15h.
Visites adaptées aux personnes concernées par les troubles du spectre autistique, mercredi 2 avril de 14h à 16h et jeudi 3 avril de 17h à 19h.
Visite LSF, dimanche 27 avril, 15h (rés. 06 43 41 91 83, infopirs44@gmail.com)