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Sortir # Saint-Nazaire

L’ASC sur le pont

Rester chez soi : consigne première de lutte contre la propagation du virus Covid-19. Mais quand on n'a pas de chez soi ? Quand on n'a pas accès à l'eau pour se laver les mains ? Quand on n'a plus de lieux publics où se mettre un tant soit peu à l'abri durant la journée ? Quand la rue a fragilisé notre santé ?

Rencontre avec Corinne Praud, co-directrice de l’Association Solidarités et Créations de Saint-Nazaire.

>> Corinne Praud durant la soupe impopulaire organisée par le Carillon de Saint-Nazaire le vendredi 14 février dernier.

Estuaire. L’ASC a deux services d’obligation : le Trait d’Union, accueil de jour de personnes sans domicile fixe avec possibilité de douche, petit-déjeuner et déjeuner, et le Serdom, qui livre à domicile des repas aux personnes âgées, malades ou handicapées. Comment avez-vous pu réagir lors des annonces de confinement ?
Corinne Praud. Tout est compliqué dans la mesure où nos travailleurs sociaux sont en arrêt pour garder leurs enfants et que nous avons moins de bénévoles. Non pas qu’ils aient voulu se retirer, mais parce que 50 % d’entre eux ont plus de 70 ans et qu’il est de notre devoir de les protéger. Pour le Serdom, on peut dire que c’est un peu plus simple dans la mesure où notre cuisine d’insertion ne manque pas de nourriture, la banque alimentaire fonctionne toujours et l’aérospatiale nous en a apporté beaucoup à la fermeture de ses restaurants d’entreprise. Je tiens à saluer ici l’équipe de choc de notre cuisine qui bosse avec moins de personnel.

Mais nous avons un gros problème de livraison : nous ne possédons que deux voitures frigo, ce qui veut dire deux personnes à l’intérieur, ce qui va à l’encontre des consignes de confinement.
Nous lançons ici un appel : quelles collectivités locales ou quels commerçants pourraient nous en prêter deux autres ? C’est urgent.

>> L’équipe du Serdom de l’ASC livre plus de 120 personnes âgées ou handicapées confinées à leur domicile.

Et l’accueil de jour ?
La coordination pour la réouverture de ce lundi (NDLR : 16 mars) a été difficile avec des travailleurs sociaux en moins. Nous avons installé une personne par table, mais notre local est petit… Il était impératif de trouver rapidement une alternative.

Comment prioriser le confinement quand on n’a pas de domicile ? Les squats sont un problème car ils ne permettent pas le respect de l’hygiène, et nous avons recensé 17 personnes sans hébergement du tout. Les personnes sans domicile vivent une grande tension et ne savent plus où se protéger durant la journée : les lieux ressources comme la médiathèque sont fermés, le CCAS est fermé au public**, la plupart des commerçants du réseau du Carillon sont fermés… Tout s’effondre pour eux.

Et pour corser leur situation, ils se font depuis deux jours “embêter” par la police qui leur demande de rentrer chez eux ! Les sans-domiciles fixes sont aujourd’hui plus en colère qu’inquiets.

Avez-vous fait appel aux collectivités locales ?
Nous avons lancé un appel à la Ville en demandant un lieu de confinement, Bonne Anse aurait été l’idéal, mais nous n’avons pas été entendus à ce jour.

>> Soupe impopulaire devant l’hôtel de ville de Saint-Nazaire

Alors ?
Nous sommes en relation constantes avec toutes les autres associations, nous réfléchissons ensemble. Nous avons décidé une mutualisation de nos forces avec le foyer Blanchy*, car chez eux aussi les travailleurs sociaux sont absents. Nous avons donc fermé notre accueil de jour rue Jean-Pierre Dufrexou pour réaffecter nos moyens humains à Blanchy, qui, évidemment, ne ferme plus durant la journée. Il s’est aussi organisé pour accueillir 7 personnes de plus. Il restait 10 personnes à loger. Depuis hier, jeudi 19 mars, l’Etat s’engage à financer des chambres de confinement dans des hôtels. Ces 10 personnes ont donc été réparties entre l’hôtel de l’Europe et Formule 1. Je tiens vraiment à souligner la solidarité de ces hôteliers dans des conditions très difficiles. Celui de l’hôtel de l’Europe est tout seul, tous ses salariés étant en arrêt.

Bravo aussi aux citoyens qui ont proposé spontanément d’héberger trois personnes.

Et pour les repas ?
Blanchy, qui servait déjà les petits-déjeuners et les dîners, a ses propres fournisseurs et notre cuisine fournit les repas qui sont livrés aux deux hôtels. Pour continuer à assurer, nous avons besoin de plus de bénévoles ! Pour aider l’hôtelier de l’Europe qui est tout seul, pour les livraisons, pour maintenir le lien. Pourquoi pas des musiciens, des lecteurs d’histoire, des solidaires de vie.

ASC : 02 40 66 10 70.

* Centre d’hébergement d’urgence à la nuitée qui a en temps “normal” une capacité de 25 places et est fermé la journée de 9h à 16h les jours de semaine.

** Il tient une permanence téléphonique (02 40 17 19 99, du lundi au vendredi de 9h à 12h et de 13h à 16h) et maintient le retrait du courrier des personnes domiciliées.

Depuis l’écriture de cet article, la Ville de Saint-Nazaire a proposé un équipement collectif d’accueil pour les plus fragiles. Nous n’en savons pas plus ce jour vendredi 20 mars, 17h, mais nous tiendrons dès que possible nos lecteurs avisés de toute nouvelle disposition.