[zoom] 3 Billboards
(Etats-Unis, Royaume-Uni 2018) drame de Martin McDonagh avec Frances McDormand, Woody Harrelson, Sam Rockwell. Durée : 1h56.
Une petite route déserte au milieu d’étendues herbeuses sans reliefs. Une femme conduit sa vieille guimbarde, le visage fermé. Soudain, les trois panneaux publicitaires abandonnés qui surplombent le paysage morne semblent l’interpeller : elle s’arrête à leurs pieds, et ses yeux sont comme traversés d’une lueur d’émotion.
Cette femme, c’est Mildred Hayes, la cinquantaine, dont le mari violent a pris le large avec une jeunette. Mildred vit avec son fils adolescent et la morsure de la mort de sa fille Angela, violée et assassinée sept mois plus tôt. La voilà bien décidée à louer les panneaux pour rappeler à la police locale qu’elle n’a pas fait son travail et que l’assassin de sa fille court toujours. Tout autant que pour y hurler son désespoir.
Martin McDonagh dépeint une petite communauté rurale comme oubliée, habitée par le racisme, l’homophobie et la misère affective. Les villageois y ravalent tant leur impuissance qu’elle ne peut s’exprimer qu’en torrents d’injures, d’ironie et de coups. Il ne fait pas ici une démonstration de la violence de l’Amérique, mais une plongée à l’intérieur de petits Américains ravagés par cette violence. Sans faire naître en nous une once de jugement moral : dans 3 Billboards, pas vraiment de gentils, pas vraiment de méchants, seuls des êtres solitaires et malheureux d’eux-mêmes. Tous interprétés par des acteurs denses, puissants, totalement présents, dont l’extraordinaire Frances Louise McDormand*, qui incarne cette mère consumée de culpabilité et de rage glaciale, et Sam Rockwell en petit flic incontrôlable aussi minable qu’est immense son amertume et sa colère. Le cinéaste a choisi de ciseler les dialogues là où les mots manquent, de mettre de l’humour (noir) là où la peine est trop destructrice, de déceler des traces d’humanité là où tout semble perdu. Un grand film.
* Oscar de la meilleure actrice pour le rôle de Marge dans Fargo, des frères Coen.
Avis d’un spectateur
« J’ai adoré ! Superbe ! Je suis secoué, des images vont longtemps me marquer, quelle force ! » (Stéphane, 44 ans)