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[zoom] Coby

(France 2018) documentaire de Christian Sonderegger. Durée : 1h17.

La campagne du Middle West sous la neige. Jacob, surnommé Coby, 23 ans, mène une existence simple entre son attentionnée compagne Sara, son travail aux urgences, ses deux chiens, le bois à rentrer et les poules à nourrir. Coby est massif, solide, plutôt beau garçon. Le vertige s’invite dans cette image d’une vie américaine banale quand on apprend que Coby s’appelait tout récemment Suzanna et que c’est la disparition de sa demi-sœur que le réalisateur Christian Sonderegger filme de si près : Coby est en train de changer de sexe pour devenir définitivement son frère.
Construit à la manière d’une mosaïque, ce documentaire croise la vie quotidienne de Coby, des photos de famille, des vidéos du blog que le jeune homme tient depuis son adolescence et des entretiens menés avec ses parents et son second frère. Nous assistons peu à peu à la transformation physique et émotionnelle d’une Suzanna qui s’efface au profit de Coby, à une nouvelle naissance qui, si elle ne comporte aucun doute, n’est pas exempte d’inquiétudes et d’une sensation de perte définitive. D’autant que Coby n’est pas seul : si sa famille, son amoureuse et même ses collègues de travail l’accompagnent et le soutiennent avec tendresse et une immense ouverture de pensée, ils doivent aussi s’adapter au fil des mutations, entre joie de le voir s’accomplir, deuil du passé et nouvelle place de chacun à inventer. « J’ai trois fils, mais je n’ai plus ma fille », confie la mère. « Il faut que de nouveaux souvenirs avec mon fils remplacent les anciens avec ma fille », explique le père. « Je n’ai plus de problème pour dire “il“, mais cela ne s’est pas fait tout seul après tant d’années. Maintenant, c’est mon frère, tout simplement », affirme sereinement son frère. Quant à ses propres témoignages que Coby a filmés lui-même pour les lancer au monde au travers de YouTube, ils sont l’expression directe de l’intimité de ses victoires et de ses questionnements sur ce qu’est l’identité. Il affronte avec courage et obstination les épreuves des injections de testostérone et des opérations chirurgicales, l’inconnu tant désiré s’ouvrant à lui quand il observe avec émerveillement son visage dans son miroir au moment de se raser ou que ces poils qui poussent sur ses mains le dégoûtent un peu. Car s’il est sûr qu’il est un homme, il n’a pas oublié qu’il fut une femme.
Coby est un film d’une grande bienveillance sur la métamorphose d’une personne attachante qui recherche ici autant la vérité de son corps que celle de son être. Et ce qui les unit pour en faire le plus profond de ce qu’il est.