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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Frost 🇺🇦

(Lituanie, France, Ukraine, Pologne 2018) drame de Sharunas Bartas avec Mantas Janciauskas, Lyja Maknaviciute, Andrzej Chyra. Durée : 2h.

Vilnius 2014. Une association demande au jeune Rokas de l’aider en transportant des vivres et des vĂŞtements jusqu’à la ligne de front entre armĂ©e russe et rĂ©sistants ukrainiens. Il accepte sans vraiment savoir pourquoi, parce qu’il n’a rien d’autre Ă  faire. Sa petite amie Inga l’accompagne, sans trop savoir pourquoi non plus. Les voilĂ  donc partis sur les routes, bĂ©nĂ©voles volontaires Ă  bord d’une camionnette humanitaire, aussi ignorants de leur destination que de leur motivation, poussĂ©s sans passion par l’envie vague d’autre chose.  

Leur pĂ©riple incertain leur fera traverser une Lituanie monocorde et une Pologne barbouillĂ©e de brouillard. Un arrĂŞt Ă  Kiev, comme une fenĂŞtre entrouverte sur la lumière d’un jour nouveau, leur fera rencontrer des militants ukrainiens et des journalistes internationaux. La curiositĂ© de Rokas s’éveille, tout comme la fĂ©minitĂ© d’Inga. Le confort triste de leur morositĂ© semble peu Ă  peu s’estomper Ă  l’approche de la zone de conflit : aller voir plus près, sentir l’odeur de la mort et de la poudre, toucher la guerre, se confronter Ă  l’urgence, comprendre leur vie, se brĂ»ler aux feux du sens de leur amour. De poste de contrĂ´le en poste de contrĂ´le, de rencontre en rencontre, le couple de silencieux grandit et apprend difficilement Ă  parler, peut-ĂŞtre mĂŞme Ă  rĂŞver.  

La camĂ©ra du rĂ©alisateur Sharunas Bartas cadre serrĂ© les visages qui se transforment au fil de cette traversĂ©e de paysages aux lignes graphiques que l’on voudrait traduire : le poupin Rokas s’affĂ»te, l’invisible Inga prend de la beautĂ©. Des sourires les plus tĂ©nus au ciel inlassablement plombĂ© et aux bords de route ensevelis sous la neige, elle tente de transpercer la grisaille, de saisir le relief d’un bas-cĂ´tĂ© ou d’une Ă©motion. Et c’est bien ce voyage dans la mĂ©lancolie blanche qui est le plus captivant. Sharunas Bartas dĂ©coupe ses personnages sur un fond visuel sans consistance pour mieux explorer les plus intimes de leurs sensations. Une manière dĂ©licate de circuiter l’action cinĂ©matographique pour se concentrer sur l’essentiel de deux ĂŞtres qui se cherchent. Jusqu’à la superbe allĂ©gorie poĂ©tique et politique de la scène finale. 

Avis à chaud d’un spectateur
« Magnifique, très prenant, sur le fond comme dans la forme. » (Françoise, 49 ans)