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[zoom] Leave no Trace

(Etats-Unis 2018) drame de Debra Granik avec Thomasin McKenzie,
Ben Foster, Jeff Kober. Durée : 1h49.

Note de la rédaction :

Will et sa fille adolescente Tom, 15 ans. Ils vivent en quasi autarcie, cachés, à l’écart du monde, au cœur d’une réserve naturelle de l’Oregon. Leurs journées sont rythmées par les tâches du quotidien : ramasser du bois ou des champignons, recueillir de l’eau, cultiver quelques légumes, consolider leur toile de tente. Mais aussi étudier, lire, jouer aux échecs. S’ils se parlent peu, une immense tendresse les unit et chacun de leur geste n’est que douceur envers l’autre. Quand certaines denrées de première nécessité – riz, allumettes, gaz – viennent à manquer, ils vont jusqu’à Portland où Will se fait remettre par l’hôpital les doses d’antidépresseurs distribués aux vétérans du Vietnam, qu’il revend à d’autres anciens soldats qui zonent au bord de la ville.

La vie de ce père et sa fille est certes minimaliste, mais habitée de bienveillance. Jusqu’à ce jour où les autorités les débusquent et les ramènent de force à la “civilisation” : on trouve du travail à Will, une maison, une école à Tom. Et si le père fait de réels efforts d’adaptation, allant jusqu’à se rendre aux rassemblements dominicaux de la petite communauté rurale pour se faire accepter, va-t-il vraiment être capable de réintégrer cette société à laquelle il ne croit plus ?

“Leave no trace”, ne laisser aucune trace, au risque de disparaître, ou de remettre à nu un passé trop douloureux. Dans cette adaptation du roman de Peter Rock, My Abandonment, lui-même inspiré d’une histoire réelle, la réalisatrice Debra Granik traite avec une grande pudeur des traumas de l’après Vietnam que les Etats-Unis tentent encore d’ensevelir sous la chape de la consommation. Aucun rapport avec l’excellent Captain Fantastic de Matt Ross, ici le père n’a rien à se prouver, sa seule raison de vivre désormais étant de protéger sa fille. Leave no Trace est un magnifique film d’amour entre un père blessé, traqué par ses souvenirs, et une petite fille qui apprend sous nos yeux à devenir femme libre. On y rencontre aussi une autre Amérique, bâtie sur la solidarité sans jugement, proche de la désobéissance civile sans même le vouloir.

Mention spéciale au “couple” Ben Foster et Thomasin McKenzie, dont chaque regard, chaque mot, chaque geste n’est que retenue et finesse de sentiments que rien ne pourra éteindre. Comme ce film, cadeau de délicatesse.

Avis d’un spectateur
« Très joli, très tendre, c’est dur parfois pourtant, mais c’est un film qui fait du bien, ils sont beaux tous les deux. » (Anne, 38 ans)