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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Thunder Road

(Etats-Unis 2018) comédie dramatique de Jim Cummings avec Jim Cummings, Kendal Farr, Nican Robinson.
Durée : 1h31.

Note de la rédaction :

Des funérailles à l’anglo-saxonne : il faut monter sur scène et raconter son émotion. Jimmy enterre aujourd’hui sa mère. Le jeune policier a prévu de lui rendre hommage en dansant en uniforme sur la célèbre chanson de Bruce Springsteen, Thunder Road, qu’elle aimait tout spécialement. Mais le petit lecteur de cassette de sa fille qu’il a apporté ne fonctionne pas. Jimmy persiste pourtant et se met à danser sans musique devant le cercueil et le portrait de sa mère, sous les yeux consternés de l’assistance.

Cette première scène filmée en un long plan séquence était au départ un court-métrage, le premier de Jim Cummings, qu’il décline ici en long-métrage, interprétant lui-même Jimmy. Elle est aussi comme un résumé de ce qu’est Jimmy : un homme qui ne sait rien lâcher, surtout pas ses erreurs. Toujours à contretemps, il s’obstine à tout bien faire, jusqu’au bout, que ce soit ses arrestations policières ou dans sa relation avec sa fille dont il a la garde alternée. Habité d’une culpabilité dont on ne connaît pas l’origine, maladroit, il se voit, impuissant, traversé de pulsions de violence quand il se met à déraper, sans jamais savoir redresser. Son imprévisibilité suscite la crainte et, comme attendu, il est mis à pied de la police et perd la garde de sa fille. Mais, évidemment, Jimmy ne va pas accepter la réalité de ces mises à l’écart…

Jim Cummings dresse le portrait d’un homme décalé, déclassé, qui perd pied, et dont les efforts pour rester dans la norme ne sont que des échecs. Il étouffe du monde qui l’entoure, il étouffe de lui-même en s’accrochant à une logique qui lui semble implacable mais que lui seul comprend. Son regard trop droit met mal à l’aise, comme l’appréhension
toujours présente de l’explosion.

“Malaise”, ce pourrait être d’ailleurs ce qu’il nous reste de Thunder Road. Jimmy rate tout, gâche tout. Il nous fatigue tant il veut nous convaincre que tout va bien par ses flots de paroles. On fait comme ses collègues, sa famille, son unique ami, on se recroqueville, s’éloigne, se protège. Et quand, comme le chante Springsteen (que l’on n’entendra pas dans le film), il prend la route avec sa fille pour on ne sait où, parce que “It’s a town full of losers, and I’m pulling out of here to win”*, on est soulagé… et gêné de l’être. La folie ordinaire fait peur.

* “C’est une ville pleine de perdants et je pars d’ici pour gagner”

« Un film “hors des clous”, avec plusieurs scènes qui nous laissent entre rire et malaise, à commencer par l’incroyable scène d’ouverture. Jim Cummings est un acteur/réalisateur à suivre. » (Arnaud, 36 ans)