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[zoom] In my Room

(Allemagne 2019) fable d’Ulrich Köhler avec Hans Löw, Elena Radonicich, Michael Wittenborn.
Durée : 2h.

Note de la rédaction :

Une conférence de presse dans les locaux du parti social-démocrate allemand filmée par la caméra d’Armin, cadreur pour la télévision. Une suite de séquences chaotiques : Armin a confondu les boutons “on“ et “off”… Il rapporte à la rédaction un reportage raté et sans aucun sens, à l’image de sa vie. Proche de la quarantaine, le corps et le désir mous, Armin porte en lui la grisaille d’un Berlin embouteillé et de son studio sans âme. Comme anesthésié, il survole la banalité de ses non-relations et de ses affects fades. Seule la mort de sa grand-mère semble remettre un instant ses sentiments en route. Et c’est du même regard opaque qu’il découvre un matin que le monde s’est littéralement vidé de tous les humains, à peine étonné du spectacle surréaliste d’un pays où ne subsistent que les traces matérielles de leur passage sur terre. Etre le dernier homme vivant ne le touche guère, comme si sa solitude ne faisait que prendre corps dans une réalité physique.

D’un film réaliste sur un personnage déshabité, Ulrich Köhler nous fait alors basculer dans une science-fiction sans monstres, sans horreurs ni effets spéciaux. Armin doit maintenant apprendre à survivre et trouver en lui l’imagination qui lui manquait. Il doit aussi apprendre à regarder autour de lui pour trouver des solutions et à prendre soin des poules, chèvres et chevaux qui vont partager sa nouvelle existence. Un parcours initiatique d’autosuffisance triviale qui raffermit son corps et entrouvre la porte de sa chambre intérieure. Pendant que les animaux réoccupent le territoire, que l’herbe repousse sur les routes qui se fissurent, que les véhicules devenus inutiles commencent à rouiller, Armin apprivoise la nature et son propre esprit jusqu’ici resserré. Peut-être arrivera-t-il même à aimer quand il rencontrera la dernière femme sur terre…

In my room est un ovni désarçonnant, une énigme qui échappe à la fable écologique, au récit survivaliste et à la tradition cinématographique du film post-apocalyptique. Juste le passage de l’insipide au goût recouvré, une nouvelle naissance solitaire dans un monde de solitude, un voyage à l’intérieur d’un homme. Dont, en tendant l’oreille, on peut entendre le cœur se remettre doucement à battre : on, off, on, off, on, off…

Avis à chaud d’un spectateur
« Bizarre, vous avez dit bizarre ? Mais pas désagréable. Déconcertant, soit, mais j’aime ça quand c’est bien fait. »
(Véronique, 39 ans)