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[zoom] Celle que vous croyez

(France 2019) drame de Safy Nebbou avec Juliette Binoche, François Civil, Nicole Garcia.
Durée : 1h41.

Note de la rédaction :

Claire, la cinquantaine, vit seule avec ses deux fils depuis que son mari l’a quittée pour une très jeune femme. Si ses semaines de professeur de Lettres à l’université passent vite, les week-ends où ses enfants sont chez leur père lui semblent interminablement vides. Et ce n’est pas l’aventure très épisodique qu’elle a avec le jeune Ludovic qui peut l’aider à surmonter ce mal-être. Pour surveiller son amant trop détaché, elle s’invente un avatar sur Facebook et entre en contact avec son colocataire Alex. Claire devient une fraîche Clara, 24 ans. Or, la relation de séduction virtuelle qui s’installe entre eux va vite la dépasser. Claire s’exprime, Claire est écoutée, Claire est désirée, Claire revit. Mais c’est d’une Clara de 24 ans dont Alex est tombé fou amoureux…

Adapté d’un roman de Camille Laurens, Celle que vous croyez est d’abord un récit, celui que Claire dépose chez le docteur Catherine Boormans, sa psychiatre (une Nicole Garcia mutique et troublée), et dont on ne sait jamais de quelle subjectivité, de quelle fiction personnelle il est issu. Véritable thriller psychologique, ce film à tiroirs accompagne une Claire qui ne cesse de réajuster le scénario de sa vie : du mensonge peut-il éclore une vérité de sentiment ? L’amour peut-il s’inventer ? Ou, comme l’enseigne Claire à ses élèves à travers le roman épistolaire Les liaisons dangereuses, n’est-il finalement qu’une forme de réécriture de soi-même, au prix de toutes les trahisons ?

Au-delà du simple constat de la dangerosité de nouvelles pratiques rendues possibles grâce à la technologie, le réalisateur Safy Nebbou dresse le portrait complexe d’une femme à la recherche de ce qu’elle a perdu aux yeux des autres : la jeunesse. Il interroge le désir féminin à travers les étapes d’une vie, la révolte devant cet extérieur et cet intérieur qui ne se correspondent plus, la douleur d’être abandonnée au bord de la route d’une existence sexuée. Et le choix de Juliette Binoche pour incarner cette Claire affamée après vingt ans d’un mariage qui se débarrasse d’elle tel un objet usager ne pouvait être meilleur. Magnifiquement belle quand elle se sent incarnée, douloureusement terne et usée quand elle n’est plus qu’une femme que l’âge rend invisible. Et si déchirante quand elle dit d’une douce voix  : « Il n’y a pas d’âge pour être petite. »

Avis à chaud d’un spectateur
« J’avais lu que c’était un film sur l’amour au temps d’Internet, mais non, c’est beaucoup plus fort que ça, c’est un film sur l’amour au temps qui passe. Très injuste tout ça, très touchant. » (Sophie, 32 ans)