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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] Synonymes

(France 2019) drame de Nadav Lapid avec Tom Mercier, Quentin Dolmaire, Louise Chevillotte.
Durée : 2h03.

Note de la rédaction :

Yoav, tout juste libéré de son service militaire, fuit Israël et débarque à Paris avec un seul petit sac à dos. Malin, il cherche – et trouve – sous un paillasson une clef d’appartement – par chance inhabité – dans les beaux quartiers de la capitale. Pendant qu’il prend une douche porte et fenêtres grandes ouvertes, il se fait voler ses vêtements et son sac. Nu comme un ver, il manque de mourir de froid (il vient d’un pays chaud) et est sauvé de justesse par un jeune couple de l’étage du dessus. Commence un ballet trouble entre ces enfants de la haute bourgeoisie en mal de sens et un Yoav amoureux de la langue française et des histoires épiques.

Nu, Yoav le sera souvent. Nu comme un innocent qui vient de (re)naître ? Nu comme l’Homme d’un idéal de beauté d’un pays conquérant ? Nu car dépourvu d’identité ? On ne le saura pas, mais nu, c’est sûr. Prêt à tout apprendre pour effacer le pays qu’il rejette et devenir le nouveau rejeton d’une France fantasmée, dont le vocabulaire littéraire sorti du dictionnaire le nourrit plus que son assiettée journalière de pâtes à la sauce tomate.

Un personnage opaque au langage d’un autre temps porté avec courage par le jeune Tom Mercier qui se sort plutôt bien de ce guet-apens. Mais, malgré ses efforts méritants, que faire de toutes ces pistes qui nous sont données en vrac ? D’où nous parle-t-on, d’Israël ou de France ? De quoi nous parle-t-on, de position politique, d’exil, de culture rédemptrice ? A partir d’un récit autobiographique, Nadav Lapid construit un Synonymes purement conceptuel que la nudité de son personnage n’arrive pas à nourrir de chair. Et nous nous retrouvons, perdus, devant un objet alambiqué et hautement ennuyeux.

Il semblerait qu’il devrait y avoir deux camps face à cet ovni : celui de ceux qui acceptent de se laisser porter sans modération et celui de ceux qui restent sur le quai. Nous faisons malheureusement partie de ce dernier après avoir subi trop d’images portées, trop de phrasés décalés, trop de situations symboliques… Incapables de croire un instant à ce pauvre Yoav, fantôme inutile d’un cinéma d’auteur des années 70. Une pincée de Godard, un brin de Truffaut, une touche de Luc Moullet assaisonnée de Philippe Garrel… La sauce fut indigeste, c’en fut trop pour nous. Et nous nous excusons auprès de nos lecteurs de ne pouvoir donner ici “l’avis à chaud” d’un spectateur. En effet – et c’est exceptionnel –, nous avons quitté la salle après une heure trente de supplice. Nous pouvons juste vous dire que nous n’étions pas les seuls.