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Cinéma # Cinéville

[zoom] Joker

(Etats-Unis, Canada 2019) drame de Todd Phillips avec Joaquin Phoenix, Robert De Niro, Zazie Beetz.
Durée : 2h02.
Interdit – de 12 ans.

Note de la rédaction :

Depuis leur naissance en 1940, on ne connaissait pas Joker sans Batman, le super-vilain sans le super-gentil. Voilà chose faite avec le nouveau film de Todd Phillips, totalement concentré sur la transformation du personnage de malade mental solitaire et désespéré d’Arthur Fleck en incarnation du meurtre alors que son ennemi juré Batman n’existe pas encore. Mais est-il convenable d’incarner le mal sans le contrepoids du bien ? Probablement pas, ce qui expliquerait les controverses autour de ce nouveau Joker qui fait exploser les codes moraux de chez DC Comics. Plus dans la veine d’un Heath Ledger que d’un Jack Nicholson ou d’un Jared Letto, Joaquin Phoenix, amaigri et habité, rejoint ici la mythologie de L’Homme qui rit – d’impuissance – comme il hurlerait. Un homme blessé à mort qui rêverait d’être aimé, un clown dément sans élégance qui ne peut que rire sa douleur, un anti-héros grotesque dans une société carbonisée par l’injustice. Un homme qui cristalliserait à son insu la violence d’un monde privé de ses valeurs humanistes, provocateur des pires extrémismes.

Joker est un film cruel car nous positionnant de force sur la ligne devenue mouvante qui sépare bonté et enfers du mal, héroïsme et épouvante. Gotham City n’y est plus qu’une cité grouillante de rats, de crasses, de guet-apens, de méchanceté, de misère où survivent comme ils peuvent des hommes humiliés qui rencontrent toujours un plus faible à écraser. Et qui trouvent en ce clown tragique l’exutoire à la révolte qui leur manque. Comme peuvent être insupportablement laides les grimaces de souffrance de Joaquin Phoenix, comme peuvent devenir sublimes son regard d’halluciné et ses danses hypnotiques face à la rage qui le ronge. Une beauté/laideur incandescente qui brouillerait les certitudes morales.

Joker est décidément un film puissamment inconfortable, magnifiquement dérangeant, étonnement subversif. Un film de fous sur une planète terrifiante. Ou bien le contraire.

Avis à chaud d’un spectateur
«  Joaquin Phoenix est incroyable, comme à son habitude. On se laisse emporter dans son histoire et on se prend presque de compassion pour ce personnage culte, par bien des côtés plus humain que super-vilain. » Nina (31 ans)