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[zoom] Au-Revoir Là-Haut

(France, 2017) comédie dramatique d'Albert Dupontel avec Nahuel Perez Biscayart, Albert Dupontel, Laurent Lafitte.
Durée : 1h57.

Un homme aux épaules affaissées raconte son histoire. Ses mots deviennent des images : l’armistice de la guerre de 14-18 est sur le point d’être signé, pourtant le sang gicle, la boue explose sous les obus, les hommes courent au milieu du chaos, une nuit rouge de terre et de feu les enveloppe. Albert (Albert Dupontel) et Edouard (Nahuel Perez Biscayart), pas vraiment des amis, juste des soldats copains de terreur, échappent de justesse à ce dernier carnage. Mais la France n’attend pas ces témoins de l’indicible : la banque où travaillait Albert comme comptable a trouvé un remplaçant, Edouard, l’artiste de bonne famille, a perdu sa mâchoire : des gueules cassées, comme on les appelait, défigurés de dehors et de dedans.

La France se reconstruit, la France veut oublier en encensant ses héros tombés dans la glaise et ses imposteurs. Bien assise sur ses médailles à distribuer, elle laisse les opportunistes se remplir les poches. “La France reconnaissante” reconnaît qui elle veut, et surtout pas les poilus égarés. Edouard et Albert, ces deux doigts d’une main mutilée, vont trouver leur vengeance amorale dans cette société immorale : ils vont monter une escroquerie aux monuments aux morts, ces milliers de figures de pierre victorieuses qui égrènent les noms des disparus aux cœurs des villes et villages de la douce France.

Albert Dupontel prenait un risque en adaptant le roman à succès de Pierre Lemaitre (Prix Goncourt 2013). L’auteur de polars réussissait en effet là un magnifique pamphlet pacifiste sous la forme d’un roman populaire digne d’Eugène Sue. Fidèle à cette veine, Albert Dupontel a enrichi ses images de couleurs chaudes, presque brûlantes, s’inspirant des masques de Cocteau, de la naissance de l’art moderne, de l’esthétique des Années folles, folles de créativité et du déni de la mort, folle de la crise de 29 si proche et de la peur d’une nouvelle guerre, si proche aussi. Il passe du réalisme à l’expressionnisme le plus foisonnant, c’est aussi magnifique que trouble, cruel que malicieux. S’appuyant sur des acteurs impressionnants, tels Nahuel Perez Biscayart (l’inoubliable Sean de 120 battements par minute) ou Laurent Lafitte dans le rôle d’une petite frappe médaillée, il va pour le meilleur au bout de son style pour extirper de la supercherie le souvenir d’une génération perdue.

Un seul bémol à cette réussite, une musique omniprésente et redondante qui pollue les émotions. Mais nous le savons, Dupontel a du mal à doser, c’est son talent…

Avis à chaud d’un spectateur
« MAGNIFIQUE ! Je suis tellement émerveillée que j’ai déjà envie de revenir le voir, et surtout de lire le livre. » (Violette, 26 ans).