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Cinéma # Salle Jacques-Tati

[zoom] L’important, c’est le chemin

(France 2020) documentaire de Daniel Kupferstein.

Note de la rédaction :

Il est au cœur de Saint-Nazaire, et pourtant peu d’habitants le connaissent. Pourquoi le lycée public expérimental – ou XP – porte-t-il encore ce nom après trente-huit ans de fonctionnement ? Pourquoi reste-t-il sujet à tous les fantasmes malgré sa volonté de s’inscrire dans le mouvement de la ville ? Pourquoi ne le définit-on généralement que par des négations : pas de surveillants, pas de cuisiniers, pas de personnel de ménage, pas de secrétariat, pas de classes, pas d’obligation de passer le bac, pas de… ?

Nous en saurons plus après avoir vu le documentaire de Daniel Kupferstein* qui s’est immergé durant une année scolaire dans le quotidien égalitaire de ses 180 élèves et de ses membres de l’équipe éducative (MEE), et a assisté à ses débats les plus enflammés, « les contraintes elles-mêmes étant décidées ensemble ». « On a l’impression d’un immense bordel, mais on se rend compte que tout est bien structuré », dira un élève.

Le réalisateur fait entrer le spectateur dans cette organisation qui peut dérouter en filmant les premiers entretiens avec les parents et les futurs élèves souvent en rupture scolaire ou en détresse, des réunions des collèges d’élèves et de MEE, des assemblées générales, des cours et  des ateliers, dans un décodage de cette cogestion qui interroge tant. Peu à peu se dessine une réponse, le XP reste “expérimental” parce que c’est sa raison d’être : construire ensemble en questionnant sans cesse ce que l’on est en train de bâtir, la cogestion étant ici un outil qui, bien qu’indispensable, n’est en rien un objectif. On est là pour apprendre les programmes de l’Education nationale, certes, mais aussi l’autonomie, la volonté de faire, et le sens de l’engagement individuel et collectif.

Si l’on juxtapose des paroles d’élèves et de MEE recueillies par le cinéaste, on peut entendre : « Le XP est un espace-temps où trouver son chemin et où apprendre à l’assumer »,  « Assumer ses choix, assumer  l’échec aussi », « Comprendre son chemin de vie, l’inventer », « La question est : qu’est-ce que tu fais de ta vie ? », « La vie est un chemin », « On apprend à prendre du recul sur le chemin que l’on a fait pour voir s’il est toujours en lien avec les objectifs que l’on s’est donnés, c’est comme ça que l’on est libre d’être en société » « Et c’est vachement dur ».

Cette difficulté,  Daniel Kupferstein ne l’occulte pas en incluant des scènes plus difficiles telles celles concernant la question récurrente des absences. « En effet, là est le paradoxe, on dit aux élèves “tu es libre” alors que nous sommes dans un lieu où apprendre à être libre. C’est un travail difficile de tous les jours », souligne une MEE.

Un lieu de vie ? Où l’on ne formate pas, mais qui transforme son format selon les propositions et les décisions prises en commun. « Il ne faut pas vivre que dans les rêves, à un moment donné, il faut les faire, les rêves », pourrait être la conclusion, forcément temporaire, de ce portrait d’un lycée pas comme les autres où les adolescents apprennent à grandir.

Un documentaire à ne pas rater, ça se passe tout près de chez nous.

https://vimeo.com/413922124

*  Daniel Kupferstein est l’auteur, entre autre, de Dissimulation d’un massacre (2001) sur la répression de la manifestation du FLN du 17 octobre 1961, de Mourir à Charonne, pourquoi ? (2010) et de Pas en mon nom (2019).