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Frantz

(France 2016) drame de François Ozon avec Pierre Niney, Paula Beer, Ernst Stötzner, Marie Grüber, Yohann von Bülow.
Durée : 1h53.

Note de la rédaction :

Allemagne, 1919. Anna (Paula Beer) est veuve d’un mari qu’elle n’a pas eu le temps d’épouser, son amour Frantz, disparu dans la Somme durant ce que l’on espère alors être la Der des Ders. Les petits bouquets qu’elle dépose chaque jour sur sa tombe, qu’elle sait pourtant vide, égrènent les journées blanches qu’elle partage avec ses “beaux-parents”, anéantis par la perte de leur fils unique. Jusqu’au jour où elle surprend un jeune homme, Adrien (Pierre Niney), en train de s’y recueillir, le visage noyé de larmes. Adrien est français et se présente comme un ami de Frantz du temps où celui-ci faisait ses études à Paris, avant cette boucherie qui les a enterrés de force dans des tranchées ennemies. S’il porte sur lui les stigmates physiques et en lui les traumatismes psychologiques de la “sale guerre”, il est aussi le détenteur du souvenir d’un Frantz heureux et insouciant. Et c’est ce temps d’avant qu’il va transmettre à la fiancée et aux parents de Frantz : Frantz au Louvre, Frantz devant un tableau de Manet, Frantz dansant, Frantz jouant du violon… Frantz vivant. Par des dialogues où le français et l’allemand réapprennent à s’écouter. Et quand la douleur le fait flancher, la mère de Frantz le prie : « N’ayez pas peur de nous rendre heureux. » Mais qu’y a-t-il réellement derrière cette souffrance fiévreuse qui le mène parfois jusqu’à l’évanouissement ? Pourquoi le Français Adrien est-il venu jusqu’à cette petite ville pleine de rancune rencontrer les proches de son ami allemand ?

Inspiré du film muet Broken Lullaby, de Lubitsch, lui-même adapté de L’Homme que j’ai tué, une pièce de théâtre de Maurice Rostand, Frantz est un camaïeu des nuances du deuil. François Ozon y joue avec le vrai et le faux, le secret qui détruit et celui qui répare, ce qui a été et ce qui aurait pu être. Il tourne les scènes du passé et l’espoir en couleur, celles du présent en noir et blanc, il devient maître en photographie découpée qui saisit avec délicatesse deux peuples trahis qui ne savent comment sortir du chagrin. Et de la culpabilité. Culpabilité d’y avoir échappé, d’être encore debout, d’avoir obéi, d’avoir poussé ses fils à s’engager, de s’être laissé berner, d’avoir cru à la fleur au fusil.

Les thèmes de l’ambiguïté et des non-dits, chers à Ozon, sont ici mis au service de la lecture d’un drame de l’Histoire inscrit dans l’intimité des êtres. C’est aussi un hommage aux femmes, comme cette Anna à la beauté blessée, forte et courageuse comme la plupart des personnages féminins du cinéaste. Et un élan de tendresse pour ces hommes si fragiles. Sous le sable était l’apparence, que se cache-t-il sous la boue des champs de bataille ?

Avis à chaud d’un spectateur
« Il y a longtemps que je n’ai pas été aussi émue au cinéma. Je craignais le mélodrame, mais non, c’est un film pudique, qui ne m’a pas fait sortir mon mouchoir, mais m’a serré la gorge. C’est beau, c’est fort, c’est une belle façon de parler du pacifisme, encore et encore. »
(Nolwenn, 36 ans)