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Expos # Saint-Malo-de-Guersac

De l’art à l’état brut

L’association LFLF2015 expose tout le mois de juillet cent cinquante céramiques de l’artiste Alain Genty dans sa galerie de Saint-Malo-de-Guersac.

Laurence Fallot et Laurent Fallot, créateurs de l’association LFLF2015, remettent à nouveau les 100 m² de leur habitation dédiés aux artistes qu’ils aiment à disposition du public. Pour leur 6e grande exposition d’été, ils ont décidé d’inviter un seul artiste, Alain Genty, un céramiste qui faisait partie de leur première exposition de 2015. Et l’on comprend vite pourquoi tant sa production est prolifique, les 150 œuvres présentes n’étant qu’une minuscule partie de sa collection.

Il est bien étrange de rencontrer sur cette île d’Errand, en pleine Brière, un tel bestiaire fantastique. Les dragons y côtoient les oiseaux, les reptiles portent des ailes, les petits personnages arborent des têtes de monstres. Tout un univers de tourmentes sorti du cerveau et de l’imagination d’un homme habité par des angoisses que seule la terre qu’il modèle peut exprimer. Des œuvres qui sont à l’image de la vie de leur créateur, chaotiques et douloureuses, bien qu’elles ne manquent pas d’une pincée de dérision. La plupart de ses figures animales extravagantes sont ainsi la représentation des infirmiers de l’hôpital psychiatrique où il a passé son adolescence…

Il y a en effet tant de mauvais génies à chasser dans ce parcours. Né dans une famille dysfonctionnelle de la Nièvre, le tout jeune Alain Genty est, avec ses dix frères et sœurs, retiré à ses parents. La fratrie se voit éparpillée aux quatre coins du département, de foyers de la DASS en familles d’accueil. Alain Genty va mal, a mal, et n’est plus gérable. Il sera interné de longues années. C’est là qu’il rencontrera sa matière, la terre, lors d’ateliers d’art-thérapie, et qu’il commencera à sculpter ses propres démons et sa lutte pour la vie. Une fois dehors, à ses 21 ans, il rencontrera un potier qui acceptera de lui passer son savoir-faire à une seule condition, qu’il ne boive jamais. La promesse sera tenue. Depuis, il fait des petits boulots le jour et dort peu. La nuit, il n’a de cesse que de pétrir, d’émailler et de cuire pour représenter ses éducateurs en dragons, ses frères et sœurs en singes, ce qui le touche de l’actualité ou de sa vie quotidienne.

Alain Genty se fiche de savoir s’il est artiste ou pas, pas plus qu’il ne se préoccupe du marché de l’art. Il est presque à son corps défendant sorti de son angle mort quand la qualité et la singularité de ses œuvres ont été repérées par des amateurs d’art brut. Il a ainsi été exposé à la Maison de la Culture de Nevers, à la Scène nationale du Creusot, au Lieu Unique de Nantes, à la Maison de la Radio de Paris et dans de nombreuses galeries d’art. Il fait de plus partie de la collection permanente de la Fabuloserie de Charny, et plus de 300 de ses céramiques sont exposées à
l’Espace Alain-Gentry de l’Institut médico-éducatif de Saint-Florent-sur-Cher. On peut également maintenant voir ses sculptures dans la ferme de son frère, qu’il a retrouvé, avec toute sa fratrie, à plus de 60 ans et qui est le seul avec qui il entretient des relations. Depuis ce morceau de famille reconstitué, le travail d’Alain Genty a bougé, il est plus coloré, plus tranquille. Mais il reste une nécessité.

A découvrir aujourd’hui à Saint-Malo-de-Guersac.