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Rendez-vous # Saint-Nazaire

“Matrimoine”, une histoire du féminisme à Saint-Nazaire

Après plus d'une année de travail, Femmes solidaires Saint-Nazaire met en ligne, ce samedi 13 mars, son documentaire “Matrimoine”.

L’objectif premier était de recueillir les récits des anciennes, dont une était même en train de perdre ses souvenirs, de garder la mémoire des combats et une trace des personnes qui ont lutté au local pour les droits des femmes. « C’était une urgence, avant qu’il ne soit trop tard, et nous l’aurions vraiment regretté. Nous avons donc demandé aux Pieds dans le PAF de nous accompagner dans ce projet en nous formant à la technique cinématographique car c’est aussi une des missions que nous nous donnons : monter en compétence. Mais au fur et à mesure des rencontres et des interviews, des grands thèmes se sont dégagés et nous avons alors élargi notre propos », raconte Esperanza Orquin, présidente du comité de Saint-Nazaire.

Hélène

Esperanza Orquin

Christiane Cabalé

Après avoir proposé des petites capsules sur les thèmes du droit de vote des femmes, de la contraception et de l’avortement, du travail, l’association offre aujourd’hui un film de 62 minutes, dont 35 sur le passé. On y entend la résistante Christiane Cabalé 93 ans, Evelyne 90 ans, Hélène 80 ans, Paulette 73 ans, Emilie 38 ans, Anaïs 25 ans, Elsa 22 ans, Juliane 15 ans… « Matrimoine retrace l’histoire des luttes menées par les femmes de notre mouvement et de notre ville, de sa création en 1946 à aujourd’hui. L’expérience des anciennes est importante, leur dynamisme et leur courage sont des exemples. Il nous permet aussi de porter un regard sur l’évolution de notre mouvement. Nous constatons avec satisfaction qu’il n’a pas perdu la richesse de sa mixité sociale. Il y avait des professeurs, des institutrices, des ouvrières, il y a maintenant toujours des enseignantes, des ouvrières, des femmes de ménage, des travailleuses handicapées, des femmes sans papiers, et donc la possibilité de débats constants. Il y est aussi question des préoccupations des jeunes femmes et des luttes à mener au présent, comme l’impact de la réforme des retraites, toutes les violences faites aux femmes, les relations avec la police et la Justice. Aujourd’hui, presque toutes les demandes de rendez-vous relèvent de situations de violences vécues par des femmes envoyées par le 3919 », explique Esperanza Orquin.

Comme une leçon d’Histoire

« J’ai beaucoup appris lors du tournage de ce film, développe Béatrice Rouillé, secrétaire de l’association. J’ai découvert comment des femmes se sont battues ici pour des droits fondamentaux comme le droit de vote et même celui de porter un pantalon, pour la fin de l’ostracisation de celles que l’on appelait les “filles mères”, contre la guerre d’Indochine et d’Algérie, comment elles ont soutenu toutes les grandes grèves ouvrières de la région et participé à mai 68. J’ai même découvert l’existence de certaines, comme Marthe Gallet, institutrice, communiste, résistante, fondatrice de l’Union des femmes françaises* sur le département et à Saint-Nazaire. Ce sont des actrices importantes de tout un pan de l’Histoire, mais il n’y a pourtant aucune rue à leur nom dans la ville. Toutes ces femmes nous ont passé le flambeau, à nous de continuer ce combat pour l’égalité. » Un travail de transmission, donc, pour une association, qui, après avoir doucement vieillie, voit de plus en plus de jeunes femmes la rejoindre. Mais aussi pour tous les habitants curieux d’une Histoire de leur ville qui n’oublierait pas une partie de ceux qui l’ont faite : les femmes et les femmes féministes.

Dolores Ibaarruri, la Passionaria espagnole, au premier congrès de l’UFF.

Matrimoine sera disponible sur la page Facebook de Femmes solidaires Saint-Nazaire à partir du 13 mars. Il sera également projeté au lycée Aristide-Briand le 15 avril prochain dans le cadre d’un partenariat avec Cinéville en même temps que des courts-métrages sur le sujet réalisés par les élèves. Femmes solidaires travaille déjà à l’organisation de séances tout public dans les Maisons de quartier de la Bouletterie et de Kerlédé. Et partout ailleurs, quand la situation sanitaire le permettra.     

* Créée en 1944, l’Union des femmes françaises est issue du Comité mondial des femmes contre le fascisme et la guerre (CMF) et de l’Union des jeunes filles de France (UJFF), fondés en 1934 et 1936 par le Parti communiste français. Son premier congrès s’est tenu à la Mutualité, à Paris, en juin 1945. Elle deviendra l’association apolitique indépendante Femmes solidaires en 1998.

 

Le tournage

Débuté en décembre 2019, le tournage a été compliqué par la pandémie, les personnes à aller rencontrer chez elles étant toutes âgées, et donc tout spécialement à protéger, ce qui explique sa longueur. Les confinements et les nécessités de distanciation physique ont de plus limité les contacts directs avec Tristan Fauvel, des Pieds dans le PAF, qui a accompagné l’équipe de l’association impliquée dans ce travail par la mise à disposition de matériel et surtout ses conseils : comment construire une interview, où placer la caméra ? Quant au montage, il a été réalisé par Béatrice Rouillé, par ailleurs photographe amateur du Club de la Bretonne. « Elles avaient une idée très précise de ce qu’elles voulaient faire et se sont très vite émancipées de la technique, relate Tristan Fauvel. En tant qu’homme, j’avais des interrogations sur ma place, sur mon rôle lors du montage par exemple. Mais les choses se sont mises en place très simplement. Je suis fier d’avoir participé à ce film avec des personnes d’un tel niveau d’exigence pour réussir un documentaire juste et de qualité. Il fallait trouver la documentation et rendre justice aux femmes interviewées, donner de l’information sans perdre de l’humain, trouver le bon rythme pour raconter une histoire. J’ai appris beaucoup de choses sur le combat féministe à Saint-Nazaire. C’est une très belle expérience faite de belles rencontres. Je me suis senti avec elles. Le résultat est un film vif, pétillant, énergique, à l’image des interviewées, quels que soient leurs âges. Il donne envie d’aller de l’avant. Il y a des gens comme ça, qui font des choses magnifiques et on est heureux de les faire avec eux, ici elles. Des gens à la tête haute. »

Visionner le film dans son intégralité ici