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Rendez-vous # Saint-Nazaire

Hyam Yared, le souffle du Liban

En résidence à la MEET jusqu'à fin mars, l’écrivaine libanaise Hyam Yared, nous parle de son pays avec passion. Portait d’une artiste engagée.

Dans ses œuvres, poésies et romans, Hyam Yared  aborde la vie au Liban, les contraintes diverses qui pèsent sur la société et qu’elle espère voir transcendées par une jeunesse qui se libérerait de ce carcan étouffant.  

Dans son dernier roman Implosions, par en août 2021 aux éditions Equateurs, l’écrivaine nous entraine à Beyrouth le 4 août 2020, au côté d’un couple propulsé dans l’horreur absolue quand une bombe va s’écraser sur le port. Cette déflagration est l’écho de leur propre drame intime. A l’héroïne de son roman, écrivaine également, l’écriture semblera le meilleur moyen de transcender ces événements difficiles, de dénoncer aussi. Hyam Yared écrit en militante, avec force, puissance et conviction.  Et si elle aime passionnément son pays, elle garde les yeux ouverts sur les problèmes qui le gangrènent. Difficile de raconter son pays sans évoquer l’occupation. 

« Au Liban, une occupation multiple où les acteurs et les prédateurs sont si nombreux, visibles et invisibles, qu’il est désormais difficile de les identifier. D’où cette tragédie contemporaine qui dure maintenant depuis la création du Liban, à ne pas réussir à nous extraire d’un bourbier géopolitique, économique mais aussi et surtout identitaire auquel viennent s’ajouter la pénurie et la crise actuelle », explique-t-elle. 

La corruption y est très importante, la scène politique a toujours déçu après que le peuple libanais se soit révolté. Elle parle d’une « martyrologie » revendiquée du pays où les différentes communautés ne parviennent pas à dialoguer sereinement. Et pourtant, une pluralité de voix se fait entendre au Liban, qu’elle qualifie non sans une pointe d’humour, de cacophonie relevant tout de même d’une certaine liberté d’expression.  

Sa conviction profonde est que l’intime est une question politique et que la révolution de son pays passera par une révolution personnelle. Elle aime à penser que les jeunes générations, hommes et femmes, auront l’agileté de jongler avec les questions sociétales, « et même la question du féminin empreinte de patriarcat dont les femmes ont tant de mal à s’extraire, touchant là aussi à une autre forme d’occupation pour ce qui a trait aux questions du genre », précise t-elle. 

Hyam Yared dépose pour quelques mois ses valises à la MEET de Saint Nazaire et  détecte un « lien fondamental entre le port de Saint-Nazaire et celui de Beyrouth. (…) Je pense que ma présence à Saint-Nazaire fait d’autant plus sens que ce sont deux villes qui ont connu les tragédies de l’occupation. (…) Toujours est-il que le rapport de ces deux villes aux stigmates de l’occupation encore visibles quand on s’y balade – qu’il s’agisse de Beyrouth ou de Saint Nazaire – est en lien étroit avec les thématiques sur lesquelles je travaille. Le rapport de la mémoire collective à l’intime. Le lien entre la mémoire urbaine et la mémoire individuelle ». 

Considérant que la littérature a sa place lorsque les tragédies surviennent, elle a une pensée particulière pour les écrivains libanais pour qui écrire est très difficile lorsque le quotidien prend le pas sur l’art entre coupures de courant à répétition, files interminables pour faire quelques courses et climat d’instabilité… 

L’auteure, décorée Chevalier des arts et des lettres en 2013, voit cette parenthèse nazairienne comme un luxe. Un luxe de temps et d’espace pour développer de futurs écrits.  

L’un des thèmes sur lequel elle envisage d’écrire durant ces quelques mois ligériens est le désir. L’autre, sujet qui peut paraitre saugrenu et même effrayant est l’anthropophagie. Et déjà, les fameuses statues « Le Pied, le Pull-over et le système digestif », qu’elle a découverte à son arrivée ont fait écho à ses réflexions sur le sujet et l’inspirent.