Retour à l'agenda
Spectacles # Saint-Nazaire

Du désarroi à la colère

Faute de pouvoir rencontrer leur public, les artistes font face à une situation financière qui se dégrade. L’heure est suspendue à la réouverture des salles, mais la colère gronde.

« On n’était pas nombreux. Mais une partie du public nous a confié combien cela lui faisait du bien de pouvoir enfin assister à un concert et d’échanger à nouveau avec des artistes. » Cette anecdote racontée par Christelle Tripon, la directrice de la médiathèque de Pornichet à l’occasion des rencontres musicales* qui se déroulent jusqu’au mois d’avril dans les différentes médiathèques de la Carene, relève de l’exception durant ce confinement culturel. Elle traduit le désarroi du public et de nombreux artistes, qui, faute de pouvoir se produire en public dans les salles de spectacle ou autres lieux culturels, tentent de trouver une alternative en diffusant notamment leur création sur la Toile. Comme une perfusion, faute de mieux.

Des artistes en difficulté

Le groupe nazairien Vertical.

Ces fermetures de longue durée ont durement impacté la vie professionnelle des acteurs culturels. C’est le cas du quatuor nazairien Vertical, valeur montante de la scène indie-pop aux influences très british. Sur les 70 dates programmées en 2020, ils ont dû en annuler près d’une quarantaine. Insuffisant pour pouvoir accéder au statut d’intermittent du spectacle, et ainsi « pouvoir vivre de notre passion ». « Trois d’entre nous devaient devenir professionnels l’année dernière, indique Joris Ooghe, chanteur du groupe. On a dû garder nos boulots respectifs ». L’année 2021 s’annonce aussi chaotique alors que le groupe espère sortir son premier album** au printemps. « On a voulu profiter de ce moment pour contacter les tourneurs et programmateurs de spectacles, mais ces derniers ne veulent pas s’engager avec de nouveaux artistes. Ils nous disent qu’ils n’ont aucune visibilité. » Une situation qui les oblige à changer leur fusil d’épaule. Revendiquant une identité de groupe de scène, se refusant auparavant à diffuser sur Internet, ils n’ont eu d’autre choix que de poster leur nouvelle création… sur Internet via leur page Facebook.

Pour les déjà professionnels, l’avenir est beaucoup plus sombre. Même si les indemnités chômage des intermittents sont prolongées jusqu’au 31 août prochain, grâce à l’année blanche décidée par le gouvernement. Mais sans aucune période travaillée, comment vivre ? Ils redoutent une nouvelle baisse de revenus le 1er septembre, quand le montant de leurs indemnités chômage sera recalculé. Certains artistes annoncent même une perte de près de 25 %.

Joris Ooghe, qui est également salarié du VIP de Saint-Nazaire, pose un regard amer sur la décision gouvernementale du maintien de la fermeture des salles « On autorise les commerces et pas les salles de spectacle, j’ai du mal à comprendre », explique-t-il, cependant prudent. Une incompréhension qui commence aujourd’hui à se transformer en colère d’autant que l’Espagne a fait le choix d’adapter les conditions d’accueil du public pour permettre à la vie culturelle de poursuivre son cours.

La colère monte

Samedi 16 janvier à Saint-Nazaire : les artistes répondent à l’appel du Marathon de la culture.

Depuis début janvier, des artistes se mobilisent dans les rues de Saint-Nazaire avec ce qu’ils appellent “le Marathon de la culture”, un rendez-vous donné tous les samedis en centre-ville malgré le froid ou la pluie. Ces derniers ont lu des textes, chanté et fait participer un public pas toujours très réceptif : « Nous avons reçu des « non merci », « pas le temps », « ça ne m’intéresse pas »… et aussi « oui avec plaisir « , des « merci beaucoup », « bon courage », « ça nous manque énormément », « vous nous manquez », « bravo, continuez, c’est beau ce que vous faites » », racontent-ils sur leur page Facebook.

Leur objectif
: « Nous appelons tous les artistes à lire, chanter, danser (NLDR, dans la rue) pour que le retour à la culture devienne, après la santé, l’objectif principal des communes et de l’Etat. » Les salles de spectacle de la Presqu’île, elles, tentent de soutenir au mieux tous les acteurs en proposant des résidences comme Quai des Arts à Pornichet avec la Cie Art Symbiose (lire ici) ou encore le VIP qui invite des groupes amateurs à jouer en live diffusé sur Internet (voir notre Agenda).
Et pourtant, malgré la menace d’un troisième confinement, le ministère de la Culture plancherait actuellement, selon de sources sûres, sur une proposition de réouverture à “l’espagnol”. Un début de sortie de crise ? Personne ne le sait. La décision revient au gouvernement.

* Les médiathèques de l’agglomération nazairienne se sont associées avec le Conservatoire Musique et Danse de Saint-Nazaire pour proposer des concerts et des rencontres avec les artistes afin d’échanger sur la musique, les œuvres, les instruments et les techniques, les compositeurs, sur le thème de la musique anglaise, d’Orlando Gibbons (16e siècle) aux Beatles.

** Le groupe formé en 2017 (Joris Ooghe à la guitare et au chant, Thibault Chatelier à la basse, Sacha Eleque à la guitare, Rémi Douay à la batterie) a lancé une campagne participative pour le lancement de son premier album, Something For You. Ce sont treize morceaux ont été enregistrés en condition Live.