Retour à l'agenda
Activités # Saint-Nazaire

Etrigane : « Le jeu est un art »

Avec ses 10 000 abonnés, le Nazairien d’origine Boris Poignan, alias Etrigane, cartonne sur sa chaîne YouTube consacrée aux jeux de plateau. Portrait d’un homme pour qui le jeu a une réelle valeur artistique.

« Bonjour, c’est Etrigane. » Depuis 2013, année où Boris Poignan s’est lancé sur YouTube, cette simple phrase lancée d’une voix reconnaissable entre toutes, à la fois détonante et pédagogue, annonce chacune de ses vidéos consacrées aux jeux de plateau et vidéo. Il filme ses parties de jeu tout en expliquant les règles et son univers. Ce YouTubeur de 45 ans, qui est né et a grandi dans le quartier de Cardurand, à Saint-Nazaire, s’est construit une communauté fidèle sur le réseau social puisqu’il compte aujourd’hui près de 10 000 abonnés. « A vrai dire, je ne donne pas d’importance aux chiffres. Ma chaîne n’est même pas monétisée. Mais c’est amusant de constater que c’est plus que le nombre d’habitants de la petite ville où j’habite (NLDR, il vit aujourd’hui dans la Marne, près de Reims). On m’a dit que c’était plutôt pas mal pour une chaîne portée sur le jeu de plateau », déclare-t-il sereinement. En effet, chose plutôt rare, aucun encart publicitaire de quelques secondes avant d’entamer la lecture de ses vidéos..

Boris Poignan, farouchement indépendant et bienveillant envers ses abonnés ou ses spectateurs au sens large, est un homme à part dans ce monde vidéo-ludique, et il le revendique. « Pour moi, YouTube est une ligne de connexion avec des gens qui ont les mêmes centres d’intérêt. C’est une fenêtre sur les autres joueurs, je romps ainsi une certaine solitude de jeu. » Ce qui pourrait expliquer son succès auprès des joueurs de jeux de plateau et de jeux vidéo. « Quand j’ai créé ma chaîne, je m’adressais à un marché de niche, à des joueurs passionnés de jeux de stratégie. A l’époque, on ne trouvait sur YouTube quasiment que des vidéos sur des jeux vidéo tels que League of legend (NLDR, jeu compétitif qui fait la pluie et le beau temps sur l’e-sport) ou Minecraft. Mon public est d’ailleurs en grande partie composé de trentenaires et de quadragénaires qui partagent avec moi la même culture classique et geek des années 80. »

Un espace de bienveillance

Une recette qui fonctionne même si elle ne suit pas les modes. Il se retrouve bien loin des critiques des pionniers du genre comme Le joueur du grenier qui déplore l’évolution de ce réseau social. Ce dernier reprochant à de nombreux YouTubeurs dits “de divertissement” de toujours surfer sur la même recette pour faire des vues. « Les réseaux sociaux sont devenus un espace de violence verbale où l’agressivité est le maître-mot. Ma chaîne se veut au contraire un endroit paisible où on prend le temps, où les gens sont bienveillants. Par exemple, parmi mes abonnés, une jeune femme qui était atteinte de cancer m’a suivi pendant ses séjours à l’hôpital. Epuisée par ses traitements, elle trouvait du réconfort dans mes vidéos. Quand sa santé s’est améliorée, elle s’est inscrite dans plusieurs associations de jeux, elle s’est fait un nouveau cercle d’amis. C’est touchant de se dire que l’on est à l’origine d’une belle histoire », soutient-il.

Ou encore cette anecdote : « Un de mes abonnés était addict aux écrans et aux jeux vidéo. C’est en me regardant qu’il a eu le déclic, il s’est mis à délaisser les écrans et a joué aux jeux de société. Jouer demande de l’effort pour se plonger dans l’imaginaire, lire et traduire les règles… C’est très dur de s’y mettre quand on est fatigué. »

Un influenceur ?

A son corps défendant, Etrigane est ce qu’on appelle un influenceur. « Je sais que je fais vendre des jeux de société. Un ami qui suit cela de plus près a remarqué qu’après certaines vidéos, les jeux pouvaient tomber en rupture de stock chez Philibert. » (NLDR, le plus important site français de vente en ligne de jeux de société)

Cette influence d’Etrigane n’a pas échappé à certains éditeurs. « Surtout les plus petits, qui recherchent de la visibilité. Les plus gros éditeurs, eux, n’ont pas besoin de nous. Ils vendent par palette. Mais la crise a empêché la tenue des salons. Les YouTubeurs leur ont ainsi permis d’ouvrir une fenêtre de communication qu’ils n’ont plus. »

Un art

Jouer n’est donc pas une tare ou un manque de maturité même s’« il y a toujours une connotation péjorative dans le fait de jouer ». Bien au contraire, Etrigane le revendique comme un art, ce qui est devenu le slogan de sa chaîne. « J’ai horreur de cette classification académique. Qui décide qu’il y a des arts majeurs et mineurs. C’est un jugement de valeur. C’est typiquement français. On vit dans un pays qui a une posture académique qui classe l’objet artistique. Je déteste cela. » Les chiffres du marché du jeu de société lui donnent raison, d’autant que ce mouvement de fond s’est accentué avec les confinements successifs (lire encadré).

Entre son travail d’enseignant, la vie de famille et sa chaîne, Boris Poignan prend rarement le temps de jouer, sauf quand il tourne une vidéo. D’ailleurs, « peu de personnes dans mon entourage jouent, c’est pourquoi je me concentre sur les jeux qui peuvent se jouer seul. Il y avait encore peu de jeux solo il y a quelques années, maintenant c’est devenu une tendance très forte ». YouTube lui permet de rompre cette solitude de jeu.

Quant à l’avenir de sa chaîne, il s’annonce prometteur. Même si, aujourd’hui, Etrigane souhaiterait créer un jeu de plateau. « Cela va être un exercice difficile. Je ne sais pas trop comment m’y prendre. Mais cela prendra le temps qu’il faudra. »

Un phénomène de société

Depuis quelques années, la France est devenue le premier marché d’Europe pour les jeux de société et de cartes. Avec plus de 1 000 nouveautés par an, le secteur croît à un rythme annuel d’environ 15 % depuis plus de quinze ans. Selon le cabinet d’étude NPD, il a pesé 578 millions d’euros en 2019, soit une croissance de 10 %. Cela représente 27,8 millions de boîtes vendues sur l’année. Soit presque un jeu qui s’écoule chaque seconde en France. Dans le Top 10 des jouets les plus vendus dans le pays durant la première semaine du confinement, on comptait sept jeux de société et trois puzzles du fabricant allemand Ravensburger. Notre pays compte 114 éditeurs de jeux de société.

Les adultes sont de plus en plus consommateurs. On les appelle les “kidultes”. En 2018, les adultes français ont acheté pour eux-mêmes plus de 3,7 millions de boîtes de jeux, soit une progression de 30 % par rapport à 2017.

La France a la chance d’être un marché assez préservé avec un bon réseau d’au moins cinq cents boutiques spécialisées et dispose de grands festivals de jeux de société, comme les As d’or, à Cannes. Il existe ainsi une véritable french touch, avec des auteurs français extrêmement prolifiques et réputés dans le milieu.


Les associations de jeu et ludothèque sur la Carene

DONGES

• Ludothèque, OSCD,
oscd@wanadoo.fr, 02 40 91 00 55.

Montoir-de-Bretagne

Association Qui veut jouer,
page Facebook.

Ludothèque, OSCM,
02 40 88 58 76.

PORNICHET

• Ludothèque (av. Léon-Gambetta), 06 19 89 42 05 ou 02 40 61 63 42.

SAINT-NAZAIRE

• Zlup : Zone ludique d’utilité publique (4, passage du Grand-Pré), 06 84 75 18 93,
www.zlup.fr

• Ludothèque (106, rue de Trignac), ludo@mqmp.fr,
06 13 04 61 10.

• Le JOK’cœur, laboratoire
d’innovation ludique (3, av. de Vera-Cruz), 02 40 19 31 39 ou
06 37 65 69 70,
www.lejokcoeur.fr

• No man’s land 44, jeux de cartes évolutifs et à collectionner,
page Facebook.

• Les Arpenteurs, jeux de rôles et de figurine (salle des Landettes au 44, chemin d’Avalix),
latavernedudragon.forumactif.org

• Ludus Partes, association de jeu de rôle (74, rue de Trignac),
ludus-partes.bbactif.com

• La Compagnie des jeux 44 (114, rue de Trignac),
page Facebook.