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Souvenirs foutraques et vies en vrac

A travers deux ouvrages et deux femmes, Jean Perrochaud rebat avec humour les cartes du passé.

Illustrateur de presse, réalisateur de courts-métrages et de films d’animation, scénariste, auteur de pièces de théâtre et de romans… le Nazairien d’adoption Jean Perrochaud, aujourd’hui en retraite professionnelle, signe simultanément deux nouveaux ouvrages : Les devoirs de mémoire de madame Flore et Chroniques des éphémères. « Ces récits sont le fruit d’écrits antérieurs que j’ai décidé de ressortir, de rassembler et de faire s’articuler de manière cohérente à travers, pour chacun, les souvenirs d’une narratrice différente. »

Dans le premier livre, il y a ainsi Madame Flore, ancienne tenancière d’une maison close transformée en immeuble locatif après l’Occupation. La dame, il faut l’avouer, a la mémoire qui fuit un peu comme sa vessie, mais choisit de se raconter et de raconter ceux qu’elle a vu défiler dans ses murs et sa vie : Clémence, sa sœur, qui a porté l’enfant d’un amoureux commun, la belle Huguette (du temps de sa splendeur) qui a goûté du boche aussi bien que de la bouteille, le satané concierge, mais aussi mademoiselle Lolo, Mireille et aussi Olga, arrivée des camps de concentration et qui livre par bribes un vécu si traumatisant « que personne ne la croirait ».

C’est brut, théâtral, piquant, grave, drôle et rythmé de fragments de chansons (parfois déformées, faute à la mémoire qui flanche, sans doute) ou de slogans publicitaires à la manière de Je me souviens de Georges Pérec, mais, surtout, c’est la restitution de propos et de personnes qui ont vraiment existé : « Cette maison, c’est celle où je suis né et ai habité pendant quatorze ans. C’était rue Marivaux, à Nantes. Juste après la guerre, mon père avait choisi de vivre dans un des appartements qui, à l’époque, était complètement insalubre, peuplé de rats. Ces femmes étaient mes voisines, je les côtoyais sans vraiment comprendre alors ce qu’elles avaient été et ce qu’elles avaient traversé. Avec le recul, j’ai voulu laisser une trace de tout ça. »

Dans le second ouvrage, purement fictif cette fois, c’est Jeanne Olympe qui prend la plume, ou plutôt le clavier d’ordinateur que la directrice de son Ehpad nommé Les Ephémères – « J’aurais pu l’appeler Les Obsolètes, mais bon faut pas pousser ! » – a bien voulu lui prêter pour qu’elle fasse ses “devoirs de mémoire“. Au gré de chroniques bien salées et de répliques qui font mouche, Jeanne nous peint ainsi le quotidien de la maison de retraite, le passé et le présent de ses résidents, petit cercle haut en couleurs, habité de drames personnels, de joies et de tristesses… Un régal dont on regrette seulement qu’il ne soit pas illustré. Tant pis, on se rattrape en allant faire un tour sur le blog foisonnant de dessins de Jean Perrochaud.